Ile Maurice: en mémoire des victimes de l’Holocauste

Article : Ile Maurice: en mémoire des victimes de l’Holocauste
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27 janvier 2016

Ile Maurice: en mémoire des victimes de l’Holocauste

Ce mercredi 27 janvier marque la Journée mondiale en mémoire des victimes de la Shoah. Bien que cette journée ne soit pas commémorée à l’île Maurice, ce fut l’occasion pour moi de découvrir une page encore méconnue de l’histoire grâce à l’unique «cimetière juif» de mon pays.

Entrée du carré juif du cimetière Saint Martin.
Entrée du carré juif du cimetière Saint Martin.

La Shoah. J’ai vécu toute mon enfance et une grande partie de mon adolescence à ne pas connaître ce mot. Nichée dans ma petite île de l’océan Indien, mes préoccupations d’alors étaient loin des atrocités de la Deuxième guerre mondiale. Tout en sachant vaguement que des juifs avaient été déportés dans mon île à cette période, ce n’est que des années plus tard que je m’y suis intéressée.

Comment ces personnes, nées en Europe à des kilomètres de là, ont-elles atteri à l’Ile Maurice ? Selon le Beau-Bassin Jewish Detainees Memorial and Information Centre, plus de 1,500 juifs fuyant l’Europe nazie et voulant atteindre la Palestine furent déclarés immigrants illégaux par les autorités britanniques. On les envoya alors vers l’Ile Maurice, à l’époque colonie britannique, où ils furent détenus pendant presque cinq ans – soit toute la durée de la Deuxième guerre mondiale. Beaucoup d’entre eux sont décédés de la malaria, de la fièvre typhoide ou d’autres maladies tropicales. Certains ont préféré se suicider.

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Ils arrivèrent à Maurice le 26 décembre 1940 avant d’en repartir le 12 août 1945, ou de mourrir sur place.  Les autorités britanniques présentes à Maurice décidèrent de confiner ces juifs à la prison de Beau-Bassin, de crainte que des espions nazi aient infiltré le contingeant d’immigrants. Il y eut deux camps séparés : l’un pour les hommes et l’autre pour les femmes et les enfants.

Plan du camp de détention des juifs à la prison de Beau-Bassin.
Plan du camp de détention des juifs à la prison de Beau-Bassin.

Les femmes marriées avaient cependant réussi à obtenir un laisser-passer pour visiter leur époux. 60 bébés sont nés pendant la période de détention de ces juifs. Peu à peu la petite communauté s’était organisée et malgré leur internement au camp, participait à diverses activités culturelles dans l’île :

Un des détenus juifs, le Dr Heller, avait même participé à une exposition à Curepipe.
Un des détenus juifs, le Dr Heller, avait même participé à une exposition à Curepipe.

Aujourd’hui, le camp des juifs à la prison de Beau-Bassin a été détruit, et il ne reste qu’un vestige de cet épisode peu connu de l’Holocauste : il s’agit du carré juif situé au cimetière Saint-Martin. Ils sont 130 personnes à y reposer – dont 128 ex-détenus Juifs de divers pays d’Europe et deux civils, dont Isia Birger.

Homme d’affaires originaire de Lithuanie, ce dernier était le seul juif présent dans l’île avant l’arrivée des détenus de l’Holocauste. Isia Birger sera le lien entre les détenus juifs, l’admnistration coloniale britannique et le South African Jewish Board of Deputies, organisme qui gère aujourd’hui le carré juif de Saint-Martin.

Isia Birger a marqué la petite communauté juive mauricienne, mais également le paysage économique local. Son nom demeure encore très connu en 2016, notemment grâce à son entreprise éponyme autrefois appellée Blanche-Birger, aujourd’hui devenue Birger. A sa mort en 1989, Isia Birger – bien qu’étant un civil – a demandé à être inhumé au sein du carré juif, en compagnie des détenus décédés qu’il avait autrefois cotoyés.

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Toutes les tombes juives du cimetière, à l’exception de deux d’entre elles, sont alignées, face tournée vers Israel. Cependant, deux ne le sont pas. On raconte que ce sont les officiers mauriciens de la prison de Beau-Bassin, peu familiers aux coutumes juives, qui ont enterré ces deux morts ainsi…

Les deux premières tombes du cimetière qui ne regardent pas vers Israel.
Les deux premières tombes du cimetière, contrairement aux autres, ne regardent pas vers Israel.

Sur chaque tombe figurent des inscriptions en hébreu gravées dans la pierre, ainsi qu’une plaque en granite. Là aussi, on dit que ces inscriptions contiennent beaucoup d’erreurs car elles ont été gravées par des tombalistes mauriciens qui ne parlaient pas hébreu… Ce n’est que bien plus tard que des plaques en granite ont été offertes par le South African Jewish Board of Deputies.

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Ces plaques contiennent de nombreuses informations sur les défunts. On y trouve leur nom, la date de décès selon le calendrier grégorien, puis la même date selon le calendrier hébraique, l’age du défunt, son pays de naissance et le pays duquel il s’est embarqué pour venir à Maurice.

Comme le veut la tradition juive, j’ai moi aussi déposé un caillou en hommage à ces détenus et à toutes les victimes de l’Holocauste. M.H.D.S.R.I.P.

caillou

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Commentaires

Mathieu
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Bonjour Carole,

Etant français, nous apprenons très tôt à l'école les dégâts de cette guerre qui a fait endurer des atrocités aux déportés (expériences diverses sur le corps humain) entre autre.
Nous avons aussi encore beaucoup de témoignages de nos grands parents qui ont vécu cette terrible période de l'histoire.

Par contre, j'ignorais qu'il y avait eu des déportés à Maurice.

Ton geste de déposer un caillou est très respectueux pour ces défunts, je t'en félicite.

Merci pour ce nouveau billet, il est très enrichissant et bien illustré.

Mathieu

Elorac
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Merci beaucoup pour ce commentaire très encourageant! Ravie que l'article t'ait appris de nouvelles choses. Et oui, c'est une page de l'Histoire qui demeure encore quelque peu méconnue...