De la diplomatie et des médias

Article : De la diplomatie et des médias
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12 octobre 2021

De la diplomatie et des médias

Diplomatie d’influence, diplomatie du vaccin, diplomatie scientifique, tensions diplomatiques. Ces derniers temps, nous avons beaucoup entendu le terme « diplomatie », notamment à cause d’AUKUS et de la « crise des sous-marins », déclenchée par une conférence de presse d’un autre genre. La maîtrise des moyens de communication de masse est étroitement liée à la diplomatie. Entre information et influence, les médias sont plus que jamais des outils de soft power.

Capture d’écran du lancement d’AUKUS, en direct sur internet.

AUKUS. Voilà un mot comme les médias les aiment. Aguicheur et simple, ce portemanteau de AU (Australie), UK (Royaume Uni) et US (États-Unis d’Amérique) à l’efficacité redoutable, marque les esprits. Ce beau bébé a envoyé son premier sourire au monde, en direct, lors d’une conférence de presse de l’ère Covid-19 diffusée à la planète entière sur Internet. De leurs pays respectifs via écrans interposés, le Premier ministre australien Scott Morrison, le Premier ministre britannique Boris Johnson et le Président étatsunien Joe Biden ont dévoilé AUKUS – leur alliance militaire tripartite qui vise à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indopacifique, région qui s’étend des côtes orientales de l’Afrique jusqu’aux États insulaires du Pacifique.

Les trois chefs d’Etat ont pris la parole à tour de rôle, justifiant la création d’AUKUS et réaffirmant leurs valeurs communes de liberté et de démocratie. Selon Scott Morrison, « le monde est devenu beaucoup plus complexe, spécialement dans la région Indopacifique » et « le future de cette région impactera sur le futur de l’Europe et des Amériques ». Joe Biden a affirmé que les trois pays embarquent dans « une mission stratégique contre les menaces du 21e siècle », et visent à assurer plus de paix, de sécurité et de stabilité à la région Indopacifique. Tout comme Morrison, il a rappelé que l’avenir du monde dépend d’une région Indopacifique « libre et ouverte ». Pour Boris Johnson, le premier chapitre d’AUKUS est d’aider l’Australie à acquérir des sous-marins nucléaires – qui seront de technologie étatsunienne et déployés par la Navy britannique. Ces sous-marins aideront l’Australie à construire un monde de paix et d’opportunité pour tous les peuples de l’Indopacifique, s’est enthousiasmé Joe Biden.

Capture d’écran du lancement d’AUKUS, en direct sur internet.

Or c’était la France qui était censée vendre des sous-marins à l’Australie. C’est ainsi qu’est née une crise diplomatique majeure entre l’Hexagone, les États-Unis et l’Australie, soit la « crise des sous-marins ». La machine médiatique s’est emballée aussi vite que la crise diplomatique elle-même. L’ère de l’instantanéité de l’information est à son apogée. Nous avons suivi chacune des étapes de la crise au jour le jour : colère de la France, relations diplomatiques qui se tendent, ambassadeurs de France rappelés, appels Macron-Biden, échanges Le Drian-Blinken, retour des ambassadeurs, apaisement. Comme dans un feuilleton, nous avons eu droit à un vrai schéma narratif : situation initiale, élément perturbateur, péripéties, éléments de résolution, situation finale.

Le dévoilement d’AUKUS et la crise des sous-marins, illustrent les rapports privilégies qu’entretiennent médias et diplomatie internationale. Nous sommes ici en pleine diplomatie de l’influence. Dans son livre Géopolitique des médias, acteurs, rivalités et conflits, Philippe Boulanger, professeur des universités à l’Institut français de géopolitique, explique que « L’influence est le socle de la diplomatie où l’Etat est un décideur pivot parmi un éventail d’acteurs (organisations non-gouvernementales, acteurs privés et entreprises) (Racouchot,2012) ». Pour sa part, le politologue Joseph Nye estime, dans son ouvrage Bound to Lead, que l’influence peut se révéler plus efficace que le « hard power » (le pouvoir dur, qui repose sur l’utilisation des forces militaires, des techniques et de la finance). En matière de politique étrangère, il est donc indéniable que la maîtrise des médias est essentielle pour une diplomatie de l’influence réussie. Les États en ont besoin pour étendre leur influence, accroître leur domination culturelle et géopolitique.

Diplomatie et équilibres géopolitiques en recomposition

Avec sa position géographique et son vaste territoire maritime, l’Ile Maurice représente un point stratégique de l’Indopacifique, et se trouve au cœur des équilibres géopolitiques en recomposition. La base étatsunienne de Diego Garcia et les travaux effectués par l’Inde à Agaléga démontrent que les territoires maritimes mauriciens ont suscité, et suscitent toujours, bien des convoitises internationales, tant les enjeux économico-militaires sont cruciaux et en mutation. Outre les États-Unis, la Chine cherche également à se positionner dans cet espace dynamique qu’est l’Indopacifique. C’est bien ce que compte contrer AUKUS. Par ailleurs, il n’est un secret pour personne que les États-Unis et la Chine sont engagés dans une compétition stratégique mondiale, qui dépasse largement le cadre indopacifique.

Par ailleurs, la Chine a célébré sa Fête nationale, le 1er octobre. À cette occasion, une double page d’un quotidien mauricien à grand tirage a été consacré à l’Empire du Milieu. Avec la montée en puissance de la diplomatie publique, les médias resteront pour longtemps au cœur des jeux d’influence et de rivalité entre États. Au-delà de la diplomatie de l’influence, que penser de la diplomatie du publi-reportage ?

Entre information et influence, les moyens de communication de masse sont étroitement liés à la diplomatie.
Que penser de la diplomatie du publi-reportage ?

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