Ile Maurice: Antoinette, visite dans l’histoire

Article : Ile Maurice: Antoinette, visite dans l’histoire
Crédit: CR
1 novembre 2022

Ile Maurice: Antoinette, visite dans l’histoire

1834 – 2022. En ce 2 novembre 2022, l’Ile Maurice commémore l’arrivée des travailleurs engagés venus d’Inde. A cette occasion, je vous emmène en promenade à Antoinette sur les traces d’hommes et de femmes qui ont voyagé de si loin. Suivez-moi pour une visite dans l’histoire !

 Vue sur la cheminée de l’ancienne usine.
La vue de la cheminée de l’ancienne usine sucrière. Photo: CR

Antoinette. Ce beau prénom est celui d’une ancienne usine sucrière située à Barlow, au nord-est de l’Ile Maurice. Non, il ne s’agit pas d’un hommage à la reine Marie-Antoinette, mais plutôt à Antoinette défunte épouse du dénommé Raoul de Maroussem, propriétaire terrien. Ce dernier aurait ainsi donné ce nom à sa propriété après le décès de son épouse, morte de malaria vers les années 1870s. Le domaine d’Antoinette a cependant une histoire bien plus ancienne.

En effet, c’est en 1770 que Louis Alexandre Chevalier de Chermont, militaire français né en Alsace, obtient une concession au nord de ce qui était alors l’Isle de France. Toutefois, ce n’est qu’en 1783 qu’un dénommé Louis Naud développa la culture de la canne à sucre sur ces terres. Il leur donna le nom de Belle-Alliance. Puis, c’est lors des années 1830s, sous George Charles Arbuthnot, de la société anglaise Hunter Arbuthnot & Co, que Belle-Alliance s’imposa comme l’une des principales usines sucrières du nord-est de l’île. Hunter Arbuthnot & Co possédait alors Belle-Alliance et Petit Bois (futur The Mount). Lors des années 1860s, Belle-Alliance appartenait à Raoul de Maroussem et devint plus tard Antoinette en définitive.

Laboratoire social

Hormis tous ces individus susmentionnés, il y a aussi ceux dont l’histoire n’a malheureusement retenu ni les noms, ni les mémoires. Comme toutes les usines sucrières de l’époque, de l’Ile Maurice à La Louisianne, Antoinette était un laboratoire social, avec des individus issus des quatre coins de la planète. C’était un microcosme de ce qui se faisait de mieux et de pire. D’une part, le développement avec un grand D, et d’autre part, l’enfer de l’esclavage et de l’engagisme.

C’est ce qui fait d’ailleurs la particularité d’Antoinette. Elle a été l’usine sucrière vers laquelle les premiers travailleurs engagés venus d’Inde furent déployés. Ils débarquèrent à l’Ile Maurice le 2 novembre 1834 à bord du navire l’Atlas. A l’entrée de l’ancienne usine sucrière se trouve d’ailleurs une sculpture en ciment, à la mémoire des immigrants indiens. Ce monument en forme de lotus, signé Mala Chummun, fut inauguré le 2 septembre 1984. A côté de cette sculpture se trouve une dalle datant d’avril 2016, où sont inscrits les patronymes de ces immigrants.

Sculpture en ciment, en forme de lotus, à la mémoire des immigrants indiens.
Sculpture en forme de lotus à la mémoire des immigrants indiens. Photo: CR.
Dalle avec les patronymes des immigrants.
Dalle avec les patronymes des immigrants. Photo: CR

Depuis 1984, une particule s’est ajoutée au nom d’Antoinette. Il s’agit du mot « phooliyar ». Ce terme serait une distortion des mots tamouls « pillayar » ou «pulayas », qui signifient Dieu Ganesh (Ghosh, 2019). L’histoire impose souvent ses silences. L’utilisation du mot « phooliyar », serait donc une forme de réappropriation et de reconstruction de l’histoire par les descendants des travailleurs engagés (Ghosh, 2019).

Espoirs

Aujourd’hui, Antoinette se réinvente donc en lieu des mémoires. La paisibilité et la sérénité des lieux m’ont frappée. La vue de la cheminée, des murs en pierre et des ruines de l’usine nous laisse imaginer la splendeur passée des lieux, ainsi que l’existence des personnes qui y vivaient et y travaillaient. Le labeur et la mémoire de ces êtres se trouvent certes à travers les monuments. Mais pour moi, ils se trouvent étrangement à la vue des terres et des vastes champs de canne à sucre qui entourent encore Antoinette.

Terres qui traversent les temps. Terres de déboires, mais surtout terres de tous les espoirs.

Terres et champs de canne à sucre qui entourent encore Antoinette.
Terres et champs de canne à sucre qui entourent encore Antoinette. Photo: CR.

Référence:

GHOSH, B (2019) : Le site de Phooliyar à Maurice : l’empreinte de la mémoire des migrations, Carnets de Recherches de l’océan Indien, Université de la Réunion.

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Commentaires

Adelaïde Fouejeu Fouebou
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Bon carnet de voyage, merci.

Elorac
Répondre

Merci bien!! :-)