Philatélie : 250 ans pour la poste mauricienne !

Article : Philatélie : 250 ans pour la poste mauricienne !
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19 décembre 2022

Philatélie : 250 ans pour la poste mauricienne !

1772 – 2022. Cela fait 250 ans que la poste de l’Ile Maurice existe. Retour sur la genèse de ce qui est aujourd’hui l’un des plus anciens services postaux de l’hémisphère sud toujours en opération.

Le Blue Penny. Qui ne connait pas ce fameux timbre mauricien à l’effigie de la Reine Victoria, l’un des plus rares au monde ? Véritables stars de la philatélie, le Blue Penny et le Orange-Red Penny datent de 1847. Ils sont les premiers timbres émis pour le service postal de l’Ile Maurice, qui était alors une colonie britannique.

Véritables stars de la philatélie, le Blue Penny et le Orange-Red Penny datent de 1847. Photo: Wikicommons

Cependant, l’histoire du service postal mauricien est bien plus ancienne. En effet, elle remonte aux années 1770s, au temps où le pays était une colonie française du nom de l’Isle de France. C’est le 21 décembre 1772 que le Bureau général des Postes et Gazettes ouvrit ses portes à Port-Louis, dans les locaux de l’Imprimerie Royale. La distribution du courrier se faisait alors au moyen de longs et difficiles déplacements à pieds, sur les rares routes de la colonie.

Poste et presse

Par ailleurs, la genèse du service postal est intimement liée à l’histoire de la presse locale. En janvier 1773, Pierre Nicolas Lambert, imprimeur du Roi, publia le premier journal de l’île, intitulé Annonces, Affiches et Avis divers pour les colonies des Iles de France et de Bourbon. Le service des postes assurait alors la distribution du journal imprimé localement et des lettres arrivées par vaisseaux, à destination des particuliers. Cette distribution à domicile était gratuite pour les abonnés au journal. En revanche, les non-abonnés devaient s’acquitter de frais de port après réception du courrier. Le coût variait selon l’éloignement géographique de Port-Louis.

A partir de 1776, les services postaux furent séparés de ceux de l’Imprimerie Royale. Entre 1786 et 1789, un service royal de courrier maritime avec la France fut créé. En 1790, ces services furent réorganisés avec une Poste Générale à Port-Louis et des Bureaux de cantons dans les quartiers. Ces derniers sont des lointains ancêtres de nos districts.

L’Isle de France passa sous administration Britannique en 1810. En janvier 1811, la Poste Générale devint un département civil de l’administration coloniale. Malgré ce changement d’administration, la colonie continua sur sa belle lancée, avec une industrie sucrière en plein essor. Ces profonds et rapides changements nécessitèrent une réorganisation des services postaux. L’objectif était d’améliorer la communication tant à l’intérieur de la colonie, que vers le reste du monde.

Le bal de Lady Gomm

C’est ainsi que Sir William Maynard Gomm, Gouverneur de l’île de 1842 à 1849, instaura une réforme de la poste. Il s’agit de l’ordonnance no13 de 1846. La principale innovation de cette réforme fut l’adoption d’un système de prépaiement grâce au timbre-poste. Cette pratique existait déjà en Grande-Bretagne (avec le Penny Black de 1840, qui est le premier timbre au monde) et au Brésil.

L'ordonnance de Sir William Maynard Gomm sur la réforme de la poste en 1846. Photo: JR
L’ordonnance de Sir William Maynard Gomm sur la réforme de la poste en 1846. Photo: JR

Les premiers timbres de l’Ile Maurice, le Blue Penny et le Orange-Red Penny, furent conçus et imprimés le 20 septembre 1847, dans un contexte très précis. En effet, l’Isle de France nouvellement britannique se trouvait peu d’affinités avec les administrateurs de Sa Majesté. C’est ainsi que Lady Gomm, épouse du Gouverneur de l’île, décida d’organiser un bal à l’Hôtel du Gouvernement, dans le but de réconcilier les populations française et britannique. Le bal était prévu pour le 30 septembre 1847. Lady Gomm demanda de graver deux timbres qu’elle utilisa sur les enveloppes contenant les cartons d’invitation qu’elle envoya aux convives. Ces enveloppes, appelées le Ball Cover, figurent aujourd’hui parmi les objets les plus rares, recherchés et chers de la philatélie.

Blue Penny

L’Ile Maurice devint ainsi la première colonie britannique à éditer les timbres postaux. Le Blue Penny et le Orange-Red Penny furent conçus et imprimés par Joseph Osmond Barnard, originaire de Portsmouth en Angleterre.  C’est d’ailleurs avec beaucoup d’émotion que j’ai découvert sa tombe à Port-Louis.

Tombe de Joseph Osmond Barnard, qui a conçu les premiers timbres mauriciens. Photo: CR.
Tombe de Joseph Osmond Barnard, qui a conçu les premiers timbres mauriciens. Photo: CR.

Toujours dans le cadre de cette réforme, la Poste Générale, qui se trouvait au cœur de Port-Louis, fut transférée au plus proche du port, en 1870. Nicholas Pike, consul américain arrivé à Maurice en janvier 1867, fut témoin de la construction de la Poste Centrale, ou General Post Office pour l’administration britannique. « There is a new Post-Office in the course of erection near the Customs-House. It is to be hoped that the new light and airy place will give a proportionate impetus to the activity of the clerks on mail day», observa-t-il*. Il indiqua aussi qu’un réseau de fils télégraphiques reliait la Poste Centrale à la Montagne des Signaux.

* «Il y a un nouveau Bureau de poste en cours de construction près de la Douane. Espérons que ce nouveau lieu lumineux et aéré donnera une impulsion proportionnée à l’activité des commis le jour du courrier », observa-t-il.

Télégrammes

Ce service de télégrammes était encore disponible pendant les années 1960. «Sa lepok la, pa tou dimounn ki ti ena telefonn. Kan ti ena enn messaz pou fer passer ou si enn zour enn dimounn mor ici Curepipe, nou bizin avoy nouvel-la a Cap Malheureux, mo rapel mo papa ti pe ekrir enn messaz 5 mots ou 10 mots. Li amenn sa lapost. Mo pa rapel combien sa ti koute, mais mem zour bann-la ti gagne nouvel-la », se remémore Roberto.**

**« A cette époque, ce n’était pas tout le monde qui avait le téléphone. Quand on avait un message à faire passer ou si un jour quelqu’un mourrait ici à Curepipe et que nous devrions transmettre la nouvelle à Cap-Malheureux, je me souviens que mon père écrivait un message de 5 ou 10 mots. Il l’emmenait à la poste. Je ne me souviens pas du coût, mais les autres recevaient la nouvelle le même jour », se remémore Roberto.

Le service de télégrammes était encore disponible pendant les années 1960. Photo: CR
Le service de télégrammes, ici au Musée de la poste, était encore disponible pendant les années 1960. Photo: CR

Depuis, les moyens de télécommunications ont certes évolué, mais la Poste Centrale n’a jamais quitté les locaux qu’elle occupe depuis maintenant 152 années. C’est le plus ancien bureau de poste de Maurice et l’un des rares qui ait conservé sa fonction première. Il abrite aussi le Musée de la poste. Véritable bijou architectural, le bâtiment de la Poste Centrale est fait d’imposants bloques de basalte et de poutres épaisses. Il comprend aussi 5 arches sur la façade avant.

Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR
Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR
Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR
Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR

Fierté et admiration

C’est avec fierté et admiration que je contemple ce bâtiment quand je suis à Port-Louis. Fierté de faire partie d’une histoire qui date de 250 ans et qui a vu la naissance d’un pays. Admiration devant ces immenses bloques de basalte, immobiles, mais qui ont pourtant voyagé dans l’Histoire et à travers le monde, grâce à des courriers échangés avec les quatre coins d’une planète en constante mutation.

La Poste Centrale a vu défiler tant de gens, a servi à transmettre tant de nouvelles, tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Avec l’avènement d’internet, le courrier postal est devenu quelque peu désuet, mais le bâtiment de la Poste Centrale représente pour moi un immuable témoin de l’Histoire, toujours et à jamais en… poste !

Références :

PIKE, N (1873) : Sub-tropical Rambles in the Land of Aphanapteryx, Harper & Brothers Publishers.

ROUILLARD, J (1867) : A Collection of the laws of Mauritius and its dependencies, Vol. V, L. Channell, Rue La Poudrière, Port-Louis.

PS. Clin d’œil à mes chers parents qui m’ont offert mon premier album de timbres quand j’étais enfant. Coucou aussi à mon tonton Pascal pour tous les magnifiques timbres d’ici et d’ailleurs, ainsi que pour ses précieuses explications 🙂

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