18 janvier 2024

Ile Maurice : Bernardin, Paul et Virginie

Bernardin de Saint Pierre est né le 19 janvier 1737. Botaniste et écrivain français, il est mondialement connu pour son roman Paul et Virginie qui se déroule à l’Ile Maurice. Suivez-moi au cœur de l’Océan Indien, sur les pas de Bernardin, Paul et Virginie.

J’adore admirer cette statue de Paul et Virginie au Jardin des Plantes! Photo: CR.

287 ans ! C’est l’âge qu’aurait eu aujourd’hui Bernardin de Saint Pierre. Bien qu’il soit décédé en 1814 à l’âge de 77 ans, la mémoire de ce natif du Havre a traversé les siècles. Ecrivain et botaniste, Bernardin de Saint Pierre est un globe-trotter avant l’heure. En 1768, après de nombreuses péripéties à travers l’Europe, il part pour l’Isle de France (actuelle Ile Maurice). Il y trouve un emploi de botaniste. Le Jardin Botanique de Pamplemousses, où a œuvré Bernardin de Saint Pierre contient d’ailleurs un très beau buste du Français. L’une de ses citations figure aussi sur la Colonne Liénard, mini-obélisque qui trône au centre des principales avenues du jardin:

Citation du botaniste qu'était Bernardin de Saint Pierre.
Citation du botaniste qu’était Bernardin de Saint Pierre. Photo: CR.

Un autre jardin, et non des moindres, rend également hommage à Bernardin de Saint Pierre. Il s’agit du Jardin des Plantes à Paris. En effet, Bernardin de Saint Pierre fut nommé intendant du Jardin des Plantes en 1791. J’ai été très heureuse d’y admirer l’imposante sculpture de l’écrivain lors de mes flâneries parisiennes. Le monument est constitué d’une statue représentant Bernardin de Saint Pierre. Sur le haut-relief du piédestal figurent Paul et Virginie, avec leur chien Fidèle, entourés d’une végétation tropicale.

Bernadin, Paul et Virginie au Jardin des Plantes à Paris. Photo: CR.
Bernadin, Paul et Virginie au Jardin des Plantes à Paris. Photo: CR.

Bernardin et le paradis perdu

De Pamplemousses à Paris, il est impossible de dissocier Bernardin de Saint Pierre du roman qui a fait sa gloire. Ecrit en 1788, Paul et Virginie est l’un des premiers « best sellers » mondiaux de l’histoire de la littérature. Alors qu’ils ont grandi ensemble à l’Isle de France dans une nature luxuriante et bienveillante, Paul et Virginie sont séparés quand Virginie est envoyée en France pour parfaire son éducation. Le Saint Géran, navire sur lequel voyage Virginie fait naufrage lors de son retour à l’Isle de France. La jeune fille, victime des scrupules et valeurs acquises lors de son éducation en France, se laisse emporter par les flots par pudeur.

L’œuvre de Bernardin de Saint Pierre est complexe. Elle traite de thèmes intemporels : l’amour, l’esclavage, le naturalisme, la corruption de la société et le paradis perdu, entre autres. Ce paradis perdu où se déroule l’essentiel de Paul et Virginie se nomme aujourd’hui Ile Maurice. Entre mythe et réalité, le souvenir de Paul et Virginie est bien présent dans divers lieux de l’île. De Pamplemousses à Port-Louis, suivez-moi à la rencontre de ces deux amoureux qui ont à jamais marqué l’histoire de la littérature.

Pamplemousses, dernière demeure de Virginie

Pamplemousses, situé au nord de la capitale mauricienne, est un lieu incontournable du roman. C’est à l’église de Pamplemousses que les mères de Paul et de Virginie vont à la messe dominicale. Elles « ne portaient de souliers que pour aller le dimanche, de grand matin, à la messe à l’église des Pamplemousses, que vous voyez là- bas. », écrit Bernardin de Saint Pierre. Cette église qui porte le nom de Saint-François d’Assises, existe encore, et j’aime beaucoup m’y rendre :

J’aime beaucoup me rendre a l'eglise de Saint-François d’Assises :-) Photo: CR
J’aime beaucoup me rendre a l’eglise de Saint-François d’Assises 🙂 Photo: CR

Outre, les messes qui y sont dites, l’église de Pamplemousses est d’une prime importance. Ses terres seront la dernière demeure de Virginie.

« M. de la Bourdonnays m’envoya avertir secrètement que le corps de Virginie avait été apporté à la ville par son ordre, et que de là on allait le transférer à l’église des Pamplemousses. Je descendis aussitôt au Port- Louis, où je trouvai des habitants de tous les quartiers , rassemblés pour assister à ses funérailles, comme si l’île eût perdu en elle ce qu’elle avait de plus cher (…) On l’enterra près de l’église des Pamplemousses, sur son côté occidental, au pied d’une touffe de bambous, où, en venant à la messe avec sa mère et Marguerite, elle aimait à se reposer, assise à côté de celui qu’elle appelait alors son frère ». Un peu plus loin dans le roman, nous apprenons que Paul y a ensuite été prier : «je lui demandai pourquoi il avait été prier Dieu au pied de ces bambous ; il me répondit :  » Nous y avons été si souvent ! »

Sculpture et sépulture

Comme pour donner corps au mythe, une sculpture des deux jeunes gens, signée Szuszanna Szemok a été érigée en 2005 dans les jardins de l’église de Pamplemousses :

Sculpture de Paul et Virginie dans les jardins de l’église de Pamplemousses. Photo: CR
Sculpture de Paul et Virginie dans les jardins de l’église de Pamplemousses. Photo: CR

Le souvenir de Paul et Virginie est si étroitement lié au village de Pamplemousses que ce dernier recèle même une « sépulture » dédié aux amoureux. En effet, au bout de l’avenue Paul et Virginie au Jardin de Pamplemousses se trouve un socle qui représente symboliquement le tombeau des jeunes gens. La légende raconte que le socle portait jadis une statue de Paul et de Virginie…

La légende raconte que le socle portait jadis une statue de Paul et de Virginie… Photo: CR
La légende raconte que le socle portait jadis une statue de Paul et de Virginie… Photo: CR

Poudre d’Or et le drame du Saint Géran

Quittons désormais Pamplemousses pour nous rendre à Poudre d’Or. Ce village côtier du Nord-Est de l’Ile Maurice est un autre lieu clé du roman. En effet, c’est au large de ses côtes que le Saint Géran fait naufrage, emportant ainsi la douce Virginie. Bernardin de Saint Pierre mentionne plusieurs fois le nom de Poudre d’Or dans son récit :

« C’était un noir qui s’avançait à grands pas. Dès qu’il nous eut atteints, je lui demandai d’où il venait, et où il allait en si grande hâte. Il me répondit : « Je viens du quartier de l’île appelé la Poudre- d’Or : on m’envoie au port, avertir le gouverneur qu’un vaisseau de France est mouillé sous l’île d’Ambre. Il tire du canon pour demander du secours ; car la mer est bien mauvaise.  » (…) Je dis alors à Paul :  » Allons vers le quartier de la Poudre d’Or, au- devant de Virginie ; il n’y a que trois lieues d’ici.  » »

Pudeur

Mais Virginie, par pudeur, refusa tout sauvetage. Poudre d’Or restera a jamais un lieu de malheurs pour Paul : « Nous arrivâmes sur le milieu du jour au quartier de la Poudre- d’Or. Il descendit précipitamment au bord de la mer, vis- à- vis du lieu où avait péri le Saint- Géran . A la vue de l’île d’Ambre, et de son canal alors uni comme un miroir, il s’écria :  » Virginie ! ô ma chère Virginie !  » et aussitôt il tomba en défaillance. »

Si le tombeau de Paul et Virginie allie mythe et réalité, le naufrage du Saint Géran est lui bien réel. Le navire français partit de Lorient le 24 mars 1744 et fit naufrage au large de l’Ile d’Ambre, au nord est de l’Ile Maurice, dans la nuit du 16 au 17 août 1744. Un monument érigé au village de Poudre-d’Or nous fait le recit de ce ce tragique évènement.

Par ailleurs, il semble que Bernardin de Saint Pierre se soit inspiré de l’une des passagères du Saint Géran pour le personnage de Virginie. En effet, lors de leurs dépositions, des matelots sauvés du naufrage font état d’une certaine Mademoiselle Caillon, qui refusa de se jeter à la mer. «Mademoiselle Caillon était sur le gaillard d’avant avec MM. Villarmois , Gresle , Guiné et Longchamps de Montendre, qui descendit le long du bord pour se jeter à la mer, et remonta presque aussitôt pour déterminer mademoiselle Caillon à se sauver », expliquèrent-ils.

Scène d’anthologie

Mademoiselle Caillon refusa de se jeter à l’eau. Elle inspira ainsi l’une des scènes d’anthologie de la littérature française : la mort de Virginie.

« C’était Virginie (…) elle nous faisait signe de la main, comme nous disant un éternel adieu. Tous les matelots s’étaient jetés à la mer. Il n’en restait plus qu’un sur le pont, qui était tout nu, et nerveux comme Hercule. Il s’approcha de Virginie avec respect : nous le vîmes se jeter à ses genoux, et s’efforcer même de lui ôter ses habits ; mais elle, le repoussant avec dignité, détourna de lui sa vue. On entendit aussitôt ces cris redoublés des spectateurs :  » Sauvez- la, sauvez-la ! ne la quittez pas ! » Mais, dans ce moment, une montagne d’eau d’une effroyable grandeur s’engouffra entre l’île d’Ambre et la côte, et s’avança en rugissant vers le vaisseau (…). A cette terrible vue, le matelot s’élança seul à la mer ; et Virginie, voyant la mort inévitable, posa une main sur ses habits, l’autre sur son cœur, et, levant en haut des yeux sereins, parut un ange qui prend son vol vers les cieux. »

Tragiques destins

Le trépas de Virginie s’en suivra de celui de Paul qui mourra deux mois après son aimée. Il reposera auprès d’elle, au pied d’une touffe de bambous à l’église des Pamplemousses. Paul et Virginie inspira bien des artistes, dont le célèbre sculpteur mauricien Prospser d’Epinay. L’une de ses œuvres les plus connues est la sculpture en marbre de Paul et Virginie. On peut aujourd’hui la voir au Blue Penny Museum :

Sculpture en marbre de Paul et Virgnie signée Prosper d’Epinay :-) Photo: CR
Sculpture en marbre de Paul et Virginie signée Prosper d’Epinay 🙂 Photo: CR

Une réplique de la sculpture trône aussi dans les Jardins de la mairie de la ville de Curepipe:

Paul et Virginie dans les jardins municipaux de Curepipe. Photo: CR

De l’Ile Maurice à Paris, Paul et Virginie est partout (ségas, écoles, rues, hôtels, etc). Outre les monuments dédiés à Bernardin, Paul et Virginie, il y a une autre représentation, bien moins connu, qui me tient à cœur. Nul besoin de voyager bien loin pour l’admirer, puis ce qu’il s’agit d’un portrait de Paul qui fut offert à mes parents en 1979. L’image a certes été jaunie par le temps, mais cet objet a pour moi une grande valeur car il fait affectueusement partie de mes souvenirs d’enfance. Et c’est sans doute la raison pour laquelle je vous ai écrit ces quelques lignes sur Bernardin, Paul et Virginie 🙂

Ce portrait jauni de Paul avec son chien Fidèle fait affectueusement partie de mes souvenirs d’enfance 🙂 Photo: CR

Références :

DE SAINT PIERRE, B (1788) : Paul et Virginie.

ZURCHER & MARGOLE (1872) : Les naufrages célèbres, Librairie Hachette et cie.

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