Sur les traces des Hollandais à l’Ile Maurice

Article : Sur les traces des Hollandais à l’Ile Maurice
Crédit: Zilmoris
25 avril 2023

Sur les traces des Hollandais à l’Ile Maurice

Ce jeudi 27 avril 2023 est jour de fête nationale aux Pays-Bas. Saviez-vous que le Plat Pays était la première nation à avoir établit une colonie de peuplement à l’Ile Maurice ? Suivez-moi sur les traces des Hollandais en terre mauricienne.

Vestiges du fort Frederick Hendrick. Photo: CR.

C’est un bond de 400 ans en arrière que je vous propose ! C’est au début des années 1500 que l’Ile Maurice aurait été découverte par des navigateurs portuguais. Ils l’auraient nommée Ilha do Cirne en raison du grand nombre d’oiseaux qu’ils aperçurent rassemblés sur le rivage, en approchant l’île. Les navigateurs les prirent pour des cygnes, mais tout porte à croire qu’il s’agissait en réalité de dodos.

En 1580, la Hollande est réunie à la couronne d’Espagne sous Phillippe II. En lutte avec les Portugais, pour les Indes, les négociants hollandais décident de former des sociétés pour exploiter l’Orient. Le 18 septembre 1598, une division hollandaise de trois vaisseaux (Amsterdam, Holland et Zealand) sous le commandement du vice-amiral Wibrant-Van-Warwyk arriva à l’Ilha do Cirne. Ils découvrirent un beau port bien clos ( le Port-Sud-Est, aujourd’hui appelé Vieux-Grand-Port). Le vice-amiral Wibrant-Van-Warwyk (vaisseau Amsterdam) prit officiellement possession de l’île pour la Hollande. Il la nomma Mauritius (Maurice), du nom du Prince Maurice Orange de Nassau. Le vaisseau-amiral de l’expédition s’appelait également Mauritius, mais n’était pas arrivé à l’Ilha do Cirne avec les autres. Les trois vaisseaux quittèrent Mauritius le 3 octobre 1598.

Quartier général

L’amiral Wibrant-Van-Warwyk revint sur l’île le 6 avril 1606, avec six vaisseaux. La même année, l’amiral Cornelis Matelief de Jonge introduisit sur l’île citronniers, orangers, plants d’ananas, bannaniers, quelques chèvres et cochons. Cependant, ce n’est qu’en 1638 sous l’administration du Gouverneur Pieter de Goyer (premier gouverneur hollandais de l’île) que les Hollandais établirent leur quartier général au Port-Sud-Est (Vieux-Grand-Port). Ils y construisirent le fort Frederick Hendrick, du nom de Frederic Henri de Nassau, petit frère de Maurice de Nassau. Le fort fut brûlé et détruit par les Hollandais eux-mêmes en 1710. Cette même année, ils abandonnèrent définitivement l’île pour se concentrer sur leur colonie du Cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud).

Des vestiges du fort Frederick Hendrick existent encore aujourd’hui au Vieux-Grand-Port, au sud-est de l’Ile Maurice. Le site abrite un musée qui fut innauguré en septembre 1998 par le Prince Maurits d’Orange-Nassau, dans le cade de célébrations marquant les 400 ans de l’arrivée des Hollandais à Maurice. C’est avec beaucoup d’émotion que nous pouvons y voir les fondations du fort face à la mer, ainsi que quelques pans de mur en pierres qui ont traversé les siècles :

Site historique du Vieux-Grand-Port. Photo: CR.
Frederic Henri de Nassau était le petit frère de Maurice de Nassau. Photo: CR.
Pan d’un ancien mur. Photo: CR.
Vestiges du fort. Photo: CR
Ruines de l’une des plus anciennes constructions de l’Ile Maurice. Photo: CR.

Outre le musée Frederick Hendrick, Vieux-Grand-Port est un lieu qui regorge de clins d’oeil au passage des Hollandais. Ces derniers ont certes introduit les citronniers et autres arbres fruitiers, mais ils ont surtout introduit l’incontournable canne à sucre. Celle-ci a été le poumon et clé de voûte de l’économie mauricienne pendant plusieurs siècles. La Chambre d’Agriculture a ainsi érigé un monument pour commémorer l’introduction de la canne à sucre par les Hollandais :

Monument sur l’introduction de la canne à sucre par les Hollandais. Photo: CR

En sus de la canne à sucre, c’est également aux Hollandais que nous devons l’introduction de cerfs, importés de Java (Indonésie). Ces derniers se sont rapidement multipliés et peuplaient jadis les forêts mauriciennes. Malheureusement, les forêts endémiques n’existent quasiement plus et les cerfs vivent aujourd’hui dans quelques chassés ici et là. La Société des Chasseurs de l’Ile Maurice a d’ailleurs érigé une stèle commémorant l’introduction des cerfs à l’Ile Maurice. Les inscriptions, peu lisibles, y sont en français, en anglais et en néerlandais :

Stèle commémorant l’introduction des cerfs à l’Ile Maurice, en français, anglais et néerlandais. Photo: CR.

Si les colons hollandais ont introduit sur l’île plusieurs éléments qui ont par la suite constitué l’identité de l’Ile Maurice (la canne à sucre et le cerf), ils l’ont aussi dépouillée d’un animal unique et emblématique : le dodo. Ce n’est donc point un hasard si la canne à sucre, le cerf et le dodo sont à eux trois les principales figures du blason et des armoiries de l’Ile Maurice.

Noortwyk Vlakte

Par ailleurs, les traces de la période hollandaise ne se trouvent pas uniquement au Vieux-Grand-Port. En effet, le Gouverneur Issac Johannes Lamotius (en poste de 1677 à 1692), fit défricher une quinzaine d’arpents à Noortwyk Vlakte (plaines du nord en néerlandais), où il fit planter de la canne à sucre. Les colons avaient mis au point des pressoirs à main grâce auxquels ils obtenaient du jus de cannes pour leur consommation. C’est d’ailleurs de cette époque et du terme Vlakte que nous est venu le nom Flacq (actuel district se trouvant au nord-est de Vieux-Grand-Port).

Puis vers 1696, les Hollandais décident de fonder divers établissements en forme de camps au Port-Nord-Ouest, à Rivière Noire, et aux Plaines Wilhems. Le nom de « Plaines Wilhems » (autre actuel district de l’Ile Maurice) proviendrait du patronyme de deux frères, les frères Wilhems, qui furent les premiers à mettre ces plaines en culture.

Outre les noms de quelques districts, la montagne du Pieter Both est aussi un héritage de la période hollandaise. Pieter Both, premier Gouverneur des Indes néerlandaises, est considéré comme le fondateur de l’empire hollandais aux Indes. En janvier 1615, le Gouverneur Pieter Both accoste l’Ile Maurice avec quatre vaisseaux pour s’y rafraîchir. Mais deux des vaisseaux, l’un desquels il se trouve, sont repoussés en mer pendant une tempête. Les deux vaisseaux sont ensuite rejetés à la côte. Ils y périssent, avec la moitié de leurs équipages, et parmi eux le Gouverneur Both lui-même. Selon la légende, son corps est retrouvé dans la baie qui reçoit depuis le nom de Baie-du-Tombeau. En homage, son nom fut ensuite donné à la montagne faisant face à la Baie-du-Tombeau.

Pieter Both, premier premier Gouverneur des Indes néerlandaises
Pieter Both, premier premier Gouverneur des Indes néerlandaises. Photo: Du Bois

Nous retrouvons ainsin le nom du premier Gouverneur des Indes néerlandaises dans la toponymie mauricienne. Cependant, force est de constanter qu’aucun des anciens gouverneurs hollandais n’ait laissé son nom à une quelconque ville, bourgade, montagne ou rivière mauricienne. Je concluerai donc ce petit billet avec les noms des gouverneurs hollandais qui ont administré cette colonie, en hommage à ceux qui ont été aux prémisses de l’Ile Maurice de 1638 à 1710 :

  1. 1638 Pieter de Goyer, le premier gouverneur hollandais.
  2. 1649 Adriaan Van der Stel
  3. 1650 Maximilien de Jonge
  4. 1659 Adriaan Nieuland
  5. 1664 Dirk Janszeen Scient
  6. 1668 George Frederic Wreede
  7. 1671 Herbert Hugo
  8. 1677 Issac Joanes Lamotius
  9. 1692 Roelof Diodati
  10. 1705 – 1710 Abraham Mommer Van de Velde, le dernier gouverneur hollandais.
Perspective sur l’histoire et sur ces Hollandais qui ont été aux prémisses de l’Ile Maurice. Photo: CR.

Références:

BONAPARTE, R (1890), Le premier établissement des Néerlandais à Maurice, Paris.

CHELIN, J.M (2020) : Tablisman, histoire de l’industrie sucrière de l’île Maurice, IPC Ltd.

D’EPINAY, A (1890) : Renseignements pour servir à l’histoire de l’Île de France jusqu’à l’année 1810, inclusivement; Nouvelle Imprimerie Dupuy.

DU BOIS, J.P.J (1763) : Vies Des Gouverneurs Généraux: Avec l’Abrégé de l’Histoire des Etablissemens Hollandois Aux Indes Orientales , Pierre de Hondt.

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Commentaires

Pascal
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Cette article bien intéressant sur l’histoire de Maurice m’a permis de découvrir le livre du prince Bonaparte qui donne des informations précieuses sur la compagnie des Indes orientales néerlandaise. Merci Elorac.