Elorac

Dysorthographie aiguë sévère

Je partage aujourd’hui un extrait du texte de Guillaume Fanio, slammeur mauricien. La dysorthographie est ici drôle, réaliste, mordante. Bonne lecture !

Dysorthographie aiguë sévère

Madame, 
prenez votre argent et laissez ma gosse tranquille,
Laissez-la se la couler douce, 
laissez-la téter son pouce.
Laissez la pénarde dans la mesure où elle ne dérange personne,
N’insulte pas ses supérieurs, 
ni n’agace ses camarades de « classe » inférieure,
Moyenne, 
classe affaire, 
business, tant qu’à faire.

Madame, 
mon enfant (…) a l’âge des bacs à sable, 
des toboggans,
L’âge des premiers Lamoureux.

Ne vous inquiétez pas pour son avenir,
Je me démène au quotidien pour qu’elle devienne une brebis noire et galeuse.
Moi ? 
Commettre les mêmes « erreurs » que la masse à sucettes ?
Omettre la vérité apparente comme ma parente,
Les parents de ma parente,
Les parents des parents de ma parente (…)

Petite parenthèse, 
que mes parents se taisent,
Car j’exclame ma thèse.

Je pense être remonté,
Très remonté jusqu’à la racine primitive de mes ancêtres,
Les esclaves.

Je ne peux m’empêcher de repenser à mes aïeuls…,
Eux aussi étaient jadis sous les coups-bas ;
À la pointe de la technologie de leurs doigts,
De la sueur de leurs fronts, 
 ainsi que la force de leurs corps.

Eux, travaillent hier manuels, 
dans les champs de canne et de thé ;
Ils avaient la radio et la télé. (…)

Te souviens-tu de l’avènement de l’EPZ ;
Zones franches d’exportation ? 
Ouai, l’ancienne version améliorée du carcan !
C’était « swag », 
branché comme travailler à la chaîne. 
Ils étaient pareils que nous.
Sauf qu’ils avaient le baladeur stéréo, 
CD-K7, chaînes de radios,
A la place du Smartphone. (…)

J’ai qu’à fermer mes yeux d’adulte,
Pour revoir ma mère et ses sœurs ; 
mes prédécesseurs.
J’ai qu’à rouvrir mes yeux d’enfant,
Pour me remémorer ma mère et mes tantes ;
Jeunes, aussi belles que maintenant,
Malgré les traits tirés par ces 40 interminables heures de doux labeur;
En prime, les suppléments ères en classe économique ;
Le tristement célèbre Boom Eno-comique.

C’était comme des matchs de foot avec prolongation ;
Ça finissait à tout bout de champ après le temps règlementaire.
12 heures de boulots ; 6 jours par semaine, 
7 si tu souhaites te faire une petite offrande. (…)

Certes, 
ce n’était pas obligatoire, sans aucun doute.
Mais bon nombre étaient contraints de suivre ce train de mort.
Maman, c’est quand qu’on vit, 
C’est qu’en con va à la mer ?
(…)

La maison qu’on louait était tel un dispensaire,
On n’avait que les premiers soins, 
le strict minimum.
Maintenant ; 
Comment fait-on pour le pécule de loyer
De vivre, de manger, de boire, de respirer…
Expirez… laissez-moi spéculer…
Collocation-nous. 
Charmons, fréquentons, fiançons,
Fréquentons-nous encore un peu, 
Plus fort…

Marions nous et s’il n’y a pas assez d’argent,
Ou l’approbation de l’un des deux parents, du voisinage ;
Voire de toute la famille. 
Bien, barrons-nous, concubinons-nous ;
Oui, Marie, marions-nous à la colle.
Aliénation nous afin de joindre les deux bouts de la banane.
La rampe est raide, la pente glissante (…)

Mes chers tontons, 
et tendres tantes que j’aime tant ;
Sachez qu’il n’y a pas de demain, ni de roue imaginaire qui tourne.
Vous n’avez guère fait fortes thunes, 
car vos faillites sont purement fortuites.
Bonne ou mauvaise fortune ??? 
Y a point de suspension de réponse sans question.

Quoi qu’il en soit en « soi »,  vous êtes à coup sûr vivants.
Survivants de ces foutus travaux manuels usants et lassants.
Parait que c’est « la santé », 
je vous souhaite de vivre ivre de joie jusqu’à l’infiniment grand.
Nous voilà, des armées désormais désarmés dans l’ère de l’Outsourcing,  
L’externalisation,
Non je dirais plutôt l’internalisation.

Mauvais yeux de mots…

Je crois que nous sommes finalement en phase d’abomination.
L’exter-nana-mination, 
beaucoup comme nos amis les dodos, 
ou les solitaires si tu préfères.(…)
Dès ores et déjà, 
Faut compter jusqu’à rien ou sur une liste d’amis,
Afin de reconnaître les moments difficiles.
Yeah, 
le mieux-être nous malmène en radeau, 
vers des Eldorados.
Mieux vaut ne pas être car nous nous accostons de la faim des temps ces tant ci.

(…)

Madame, regardez vouer à l’échec,
Regardez nouer à la chute, 
Regards d’émois ces enfants ;
Que vont-ils devenir ? (…)
Je sais que vous êtes prof, pré et très voyante.
Oui, ça vous arrive de flairer l’avenue du succès, 
ou de l’échec de vos domestiques.

Hein, l’avenir, madame la Maîtresse.
Bon, ça, c’est votre dogme, mystique. 

Celui-ci fini Rat mâcon, 
Celui-ci vole rit ce qui leur à part (…)

Celui-ça ; 
Le chouchou là, à l’auréole; Lauréat…
Parce qu’il le veau bien, Meeeeuh. 

Stop, stop, ne balbutiez plus (…).

Je vous fais quand même la remarque…
Oui, je vous fais la remarque ; 
Puisque vous sommes nous aussi dans le même Titanic,
La même salle de classe sale, de crade.

Source: ici.


L’Ile Maurice: deuxième passeport le plus puissant d’Afrique

118. C’est le nombre de pays que les détenteurs d’un passeport mauricien peuvent visiter sans visa. Le passeport mauricien est ainsi le deuxième passeport le plus puissant d’Afrique.

Les Mauriciens ont déjà un des meilleurs aéroports du continent Africain. Voilà qu’ils ont maintenant un des meilleurs passeports. En effet, selon le Passport Index 2017 d’Arton Capital, le passeport mauricien est le deuxième passeport le plus puissant d’Afrique. A l’heure où le décret Trump interdit l’entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans, les voyageurs Mauriciens sont, quant à eux, exemptés de visa dans 118 pays.

En pôle position du classement africain se trouve un autre pays de l’Océan Indien que j’affectionne particulièrement : les Seychelles. Mes chers Dallons peuvent quant à eux visiter la bagatelle de 126 pays sans visa. Le top 3 du continent africain est complété par le pays de Nelson Mandela. En effet, le passeport sud-africain permet de visiter 90 pays sans visa.

Pour ce qui est du classement mondial, tout comme au football, ce sont les Allemands qui sont les champions ! Si vous êtes Allemand, vous pourrez visiter 158 pays au monde sans avoir recours à un visa. Sont aussi bien lotis, les Suédois, les Singapouriens, les Danois, les Français et toute une ribambelle de pays européens.

Quid de l’autre pôle ? Quels sont les pays qui ont les passeport les moins puissants ? Au niveau mondial, ils sont l’Iraq, le Pakistan et l’Afghanistan. Au niveau du continent noir, vous n’irez malheureusement pas bien loin avec un passeport sud-soudanais, éthiopien ou somalien…

Par ailleurs, avec Donald Trump qui a interdit pendant trois mois l’entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen), la circulation des peuples et des migrants est un thème qui cristallise toutes les attentions, contestations et consternations.

Ironique, quand on sait que l’Homme est un nomade depuis la nuit des temps!


Ile Maurice : lé rwa bwar en fête

Pour commencer l’année 2017, j’ai choisi de vous parler d’une tradition de l’Ile Maurice : celle de lé rwa bwar (expression créole qui pourrait littéralement être traduite ainsi, le roi boit). Qu’est-ce donc que ce fameux lé rwa bwar ?

Il s’agit tout d’abord d’une date : soit une semaine après le 1er janvier de chaque année. Normalement fêté le 8 janvier, lé rwa bwar marque la clôture des festivités de Noël et du Nouvelle an. Un parallèle peut ici être fait avec la fête chrétienne de l’Epiphanie. Lé rwa bwar en tire probablement ses origines.

Selon la coutume mauricienne, le 8 janvier, les gens se réunissent en famille chez soi ou à la plage. Au programme : baignades, repas, grillades, boissons et ségas. Lors du lé rwa bwar, tous les excès sont permis.

En effet, selon nos aînés, lé rwa bwar est aussi l’occasion de boire de l’alcool sans modération. Et pour cause, la réalité et la routine du quotidien reprennent leur droit, passé le 8 janvier. Nul besoin de préciser que la réalité de nos grands-parents était très différente de celle d’aujourd’hui. A l’époque, la pauvreté était légion à l’Ile Maurice. Mis à part une poignée de privilégiés, la plipar dimunn ti miser (la majorité des gens vivait dans la misère).

Gisèle, 65 ans, nous partage ses souvenirs.  »Longtemps, lé rwa bwar ti enn gran zafer. Ti bizin profité amisé, parski apre bizin travay kuma bef enn banane pou donn enn bouse manze zenfan. Même pour le 31 décembre, les choses étaient différentes. Notre réveillon était simple : il fallait nettoyer la maison, cirer le sol à la cire rouge et mettre des nappes et des rideaux neufs. Minwi lakaz ti bizin fini prop. Lerla nou tir petar ek nou al dormi. »

Qu’en était-il du 1er janvier ? Il s’agissait d’un joyeux va-et-vient résume Gisèle.  »Nous allions à la messe et au cimetière, pour honorer nos défunts. Puis, nous allions souhaiter la bonne année à tous nos voisins et ils venaient aussi chez nous. Zot ti donn nu enn fruit ou enn ti kas. Lerla nou al asté surpriz dan la boutik. Aster dimunn pa fer sa », constate-t-elle.

Pour les repas, les choses étaient également bien différentes et plus simples ! Au menu : des macaronis, puis un curry de poulet.  »Longtemps, makaroni ti enn gran zafer. Rar ti manz sa. Nou ti fer frikase makaroni ek corned beef, ou alors mash pom de ter ek corned beef. Après, ti ena kari poule ek pom de ter ti pwa ek salad kokom. Poule ti manze pou enn grand lokazyon. Ti enn zafer rar. Nou ti bwar la limonade Merven », se remémore-t-elle avec nostalgie.

Que de choses ont changé depuis. Toutefois, certaines traditions demeurent. Lé rwa bwar nous l’illustre bien. En attendant la grande reprise, à l’Ile Maurice ou ailleurs, profitez des bonnes choses, mais avec modération 🙂

Puis, en avant 2017 !


Clic sur la francophonie numérique

L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a rendu public, le 3 novembre dernier, un rapport sur la Francophonie numérique. Préparé par l’Institut du Droit de l’Espace et des Télécommunications (Idest), ce document permet de faire un état des lieux du français en ligne en 2016.

Comment se porte la francophonie numérique ? Bien, mais elle aurait pu aller encore mieux si on en croit les auteurs du Rapport sur la Francophonie numérique 2016. Selon eux, des progrès ont été réalisés dans le développement de l’écosystème numérique au sein de l’espace francophone, mais quelques défis subsistent.

En effet, certaines améliorations peuvent être apportées, surtout en matière d’intégration des pays en voie de développement, de sociétés de l’information, de l’intelligence et des biens communs numériques. Selon le rapport, ces défis peuvent être relevés au moyen des quatre axes stratégiques d’intervention suivants :

1. Accompagner l’innovation pour l’intégration des pays en voie de développement (PED) dans l’économie numérique.
L’entrepreneuriat des jeunes dans le secteur du numérique, ainsi que le développement de l’économie numérique devraient être encouragés dans les PED.

2. Édifier des sociétés de l’information ouvertes, transparentes et démocratiques en francophonie.
La mise en place de e-gouvernements et l’émergence de la participation citoyenne ont un rôle important. Par ailleurs, les politiques nationales pour des données ouvertes sur internet devraient être promues. Il est en de même pour la sécurité, les libertés et la confiance dans l’univers numérique.

3. Développer l’intelligence numérique au service de la diversité et du partage.
Il s’agit de soutenir le partage des ressources et la contribution des acteurs francophones. L’intelligence numérique vise aussi à contribuer à l’émergence d’une gouvernance de l’internet qui favorise la diversité culturelle et linguistique. Cette gouvernance requiert que les états soient accompagnés pour la mise à niveau de la réglementation, de la législation et de la régulation du secteur du numérique.

4. Produire, diffuser et protéger les biens communs numériques
La production et la promotion de contenus francophones sont ici encouragées, tout comme l’est l’émergence de nouveaux modes d’expression numérique. Il s’agit également de contribuer à la défense du domaine public et des biens communs de la connaissance.

Quid de l’Ile Maurice ?

Mon pays, l’Ile Maurice, s’en sort plutôt bien selon le Rapport sur la Francophonie numérique 2016. Le document avance qu’en Afrique Orientale, Maurice est le seul État membre de l’OIF qui affiche un indice IDI supérieur à la moyenne mondiale (un indice de 5,41 pour Maurice, contre une moyenne mondiale de 5,03). L’indice IDI (soit l’ICT Development Index) est une valeur repère composée de 11 indicateurs, qui a pour objectif de suivre et de comparer les progrès accomplis en matière de technologies de l’information et de la communication.

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Le Rapport sur la Francophonie numérique 2016 commente toutefois que Maurice figure parmi les pays francophones à ne pas avoir amélioré son classement sur l’indice de préparation aux réseaux (en anglais : Networked Readiness Index). Cet indice mesure 143 économies selon leur capacité à se tenir prêtes à utiliser et tirer parti des TIC, et suggèrent que l’écart entre les économies les plus performantes et les moins performantes ne cesse de s’élargir. Les seuls États qui n’ont pas amélioré leur classement sont Maurice (45e), le Caucase et l’Ex-République yougoslave de Macédoine.

Par ailleurs, Maurice a la chance de ne pas pâtir de la fracture numérique qui affecte l’Afrique francophone. Cette dernière, dans son ensemble, présente une fracture numérique régionale avec une concentration de l’activité de l’Internet et de l’infrastructure à Maurice, au Maroc, en Égypte et aux Seychelles.

Cependant, la fracture numérique est bel et bien réelle à l’échelle mondiale. Pour en venir à bout, il nous faut désormais «œuvrer (…) à l’émergence d’une société de l’information démocratique, inclusive, ouverte et transparente où les pays francophones, notamment du Sud, maîtrisent pleinement les transformations induites par les TIC et s’insèrent dans l’économie numérique mondiale dans la perspective du développement durable, équitable et solidaire», préface Adama Ouane, Administrateur de l’OIF.

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Télécharger le rapport ici.


Ile Maurice : parol kreol

La Journée internationale de la langue et de la culture créole est célébrée aujourd’hui, 28 octobre. L’occasion pour moi de poser quelques paroles en créole sur mon blog, sans traduction ou note de bas de page, comme je le fais d’habitude.

Premye fwa mo pe ekrir enn biye en kreol net, me mo krwar li ene bon l’okasyon. Zordi mo l’obsektif li pa ekrir enn lartik pou partaz enn l’opinyon ou enn l’ide. Zordi mo l’obsektif li ekrir en kreol.

Monn touzour kontan observ dimunn koze, exprime ek se kifer monn spesializ mwa en sociolinguistik. Si monn touzour adopte li depi enn pwin de vue frankofon, zordi mo pe fer li depi la lang kreol Moris. Kreol dan Moris li souven enn la lang meprize, devalorize. Bann politik pe mem gagne honte ek enkor pe debatt si kreol bizin rekonet kouma ene lan lang ofisyel dan Parlema.

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Me resman, a kote sa, ena dimunn ki pe œuvre pou valoriz kreol. Si avan ene pake dimunn ti pe met dan zar ek la lang kreol, ek avek so bann lokiter, zordi, sitiatyon pe sanze. Kreol dan Moris, li dan enn dinamik promotyon depi plis ki enn vingtenn banane deza. Ena enn diktyoner en kreol,ena bann resers iniversiter ki fer lor kreol ek li enn matyer dan lekol primer par examp. Osi, bann media komens konsyan l’importans kreol dan kominikatyon ek difisyon l’informatyon :

3_mauritius-kreol-ile-maurice-creole-mondoblog-zarMe malgre tou sa la, Moris ena enkor enn retar sirtou vis-à-vis bann vwazin Sesel. La-ba, kreol pleinemen ek ofisyelma rekonett ek li ena mem enn l’Institi Kreol :

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En atendan ki Moris ariv nivo Sesel ou bann lezot zil dan lemonde kot kreol fiermen rekonet, mo kontan ek fyer monn kapav ekrir sa biye la lor mo blog.

A tou dimounn dan zil, ek tou dimounn ki koz kreol : bonn zourne internatyonal lang kreol !

Crédit image à la une: Reshaad Durgahee.


L’hôtel de ville de Curepipe casse sa pipe

Trous béants dans le toit et le plafond, dalle suintante, colonnades rouillées ou en bois pourrissant… L’hôtel de ville de Curepipe se meurt. Datant du XIXe siècle, ce bâtiment colonial jadis imposant et majestueux fait aujourd’hui pâle figure. Pire, il me fait honte.

La déplorable façade de l'hôtel de ville de Curepipe.
La déplorable façade de l’hôtel de ville de Curepipe. Photo : CR

Bâti à son emplacement actuel en février 1902, l’hôtel de ville de Curepipe était à l’origine une somptueuse demeure du district de Moka. Appelée La Malmaison, cette bâtisse fût ensuite démontée et reconstruite à l’identique à Curepipe. L’hôtel de ville témoignait alors de la prospérité de la ville et représentait un des chefs-d’œuvre de l’architecture locale, comme l’illustre cette photo de 1915 :

L'hôtel de ville de 1915. Photo: Vintage Mauritius.
L’hôtel de ville de 1915. Photo: Vintage Mauritius.

Cependant, tout ce prestige a aujourd’hui disparu. Avec des bâches posées maladroitement sur le toit pour contrer les fuites d’eau, le bâtiment est dans un état d’abandon et de décrépitude avancée. Il est aussi devenu un repère pour amateurs de beuveries. Des images qui me font honte en tant que Curepipienne, et surtout qui me font de la peine. Ces photos ont été prises le samedi 15 octobre 2016 :

Bâche et trou béant au plafond. Photo: CR.
Bâche et trou béant au toit. Photo: CR.
Trous béants au plafond. Photo: CR.
Un plafond dans un état déplorable. Photo: CR.
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Bouteilles d’alcool et autres détritus jonchent le sol. Photo: CR

Par ailleurs, je ne suis pas la seule à être attristée par la dégradation de ce bâtiment qui avait autrefois une grande importance dans la vie sociale et culturelle des Curepipiens. Simone, Curepipienne de 62 ans, témoigne. «Cela me fend le cœur de voir l’état dans lequel se trouve l’hôtel de ville aujourd’hui. J’en garde, malgré tout, de très bons souvenirs. Autrefois, mes parents et moi y allions pour des fêtes, telles que le bal de la Fête du printemps, le reposoir de la Fête Dieu, mais surtout pour les mariages. L’intérieur de la salle de fête, avec ces immenses miroirs et luxueux lustres, était magnifique ! Nous en étions fiers car il y avait peu d’infrastructures aussi belles à Curepipe. Aujourd’hui, je suis très triste. Je souhaite que mes petits-enfants découvrent l’hôtel de ville avec sa splendeur d’antan», déclare-t-elle.

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Plaque datant de 1995 commémorant la réouverture de l’hotel de ville après rénovations.

Alvino, sexagénaire de Curepipe, abonde dans le même sens. «L’hôtel de ville est méconnaissable ! Je me souviens des mariages, des bals et des tournois de tennis de table qui y étaient organisés quand j’avais 10 ou 12 ans. Mais là, c’est vraiment dommage. Il est vrai que la maintenance coûte cher et que des réparations avaient été faites, il y a une dizaine d’années, afin de remettre l’hôtel de ville en état. Cependant, sans entretien ça ne sert à rien », conclut-il, désabusé.

Un sentiment que je partage. Certes, il est malheureux de le dire, mais après une histoire très riche et avec ses portes aujourd’hui barricadées, l’hôtel de ville de Curepipe casse sa pipe.


Ile Maurice : le rêve d’une certaine démocratie

En ce 15 septembre 2016, le monde célèbre la journée internationale de la démocratie. Lancée en 2007 par l’Organisation des Nations Unies (ONU), cette journée a pour but de sensibiliser l’opinion publique sur les valeurs de la démocratie et de promouvoir celles-ci.

Selon l’ONU, ‘La démocratie est une valeur universelle qui suppose que les peuples choisissent leur propre système politique, économique, social et culturel, en exprimant librement leur volonté, et qu’ils aient voix au chapitre en ce qui concerne tous les aspects de leur existence ».

En tant que citoyenne et membre de la société civile, je me devais d’écrire ces quelques lignes. Non pas que je veuille gloser sur ce qu’est ou sur ce que devrait être une démocratie en 2016. Encore moins que je veuille pavaner et archi-présenter mon pays en exemple de démocratie ou en contre exemple de démocratie. Mes collègues journalistes le font déjà très bien, en double, triple ou quadruple lecture. Mon propos sera donc une opinion en toute subjectivité.

Démocratie. La dernière fois que j’ai utilisé ce mot remonte à juin 2016, lors d’échanges avec des amis Britanniques sur le Brexit. J’avais alors été émerveillée par leurs propos et par le sentiment de fierté qui en émanait: «Ce choix marque le retour de la démocratie au Royaume-Uni» ou encore «C’est la démocratie qui s’est exprimée». Je me suis alors demandé s’il m’était déjà arrivé de m’exprimer de la sorte. La réponse: non.

Certains pourront, certes, mettre en avant l’exemple des élections législatives mauriciennes. Mais est-ce bien là le résultat d’un véritable exercice démocratique ? Quand on sait que les primaires sont quasi inexistantes dans le système politico-électoral mauricien et que ce sont les leaders des partis politiques qui choisissent les candidats aux législatives (bien souvent selon leur nom et/ou appartenance ethnique), on peut se permettre quelques questions…

Un petit détour par l’étymologie nous rappelle que le mot démocratie vient du grecque dêmos (« peuple ») et kratos (« pouvoir »). Dans le cas mauricien, le peuple dispose-t-il réellement du pouvoir? Ou se contente-t-il simplement de transvaser, au gré de ses griefs, ce pouvoir aux récipiendaires autoproclamés (souvent peste ou choléra)? La nuance entre ces deux questions est subtile. Peut-être l’est-elle un peu moins aux Mauriciens familiers aux expressions  »pouvwar dan nou la main » et  »pa less pouvwar sap dan nu la main ».

«Ce choix marque le retour de la démocratie à l’Ile Maurice». Cette phrase illustre, à mes yeux, le rêve d’une certaine démocratie. Si je ne l’ai, jusqu’ici jamais prononcée, je souhaite bien le faire un jour. Espérer si fort et rêver quelque fois d’un… référendum ! Ça y est, le gros mot est lâché. Oui, pourquoi ne pas laisser les Mauriciens s’exprimer et décider d’eux mêmes sur des thèmes relatifs à l’avenir de leur pays.

Cependant avant de monter sur mes grands chevaux, une étude analytique de la constitution locale s’impose, et des questions se posent. La société civile mauricienne est-elle, dans son ensemble, suffisamment mature et consciente de son pouvoir pour se lancer dans un exercice de référendum?

Mieux, notre système politico-électoral sclérosé, avec ses symptomatiques et dynastiques papa-piti (comprenez par là père-fils, ou quand le poste de Premier ministre serait une affaire d’héritage familial), bénéficierait-il d’un tel exercice? Oui. Non. Le débat est ouvert.


M.I.A : « Free da da dun, free dun »

Introducing my weekend anthem ! Les Britanniques M.I.A et Zayn Malik en musique, ça donne « Freedun« . Ce petit bijou mérite d’être écouté jusqu’à la fin pour être pleinement apprécié. Il sortira officiellement dans les bacs dans quelques jours. « Freedun« , c’est ça :

Si M.I.A est une artiste que je suis de loin depuis 2008, j’avoue que je m’intéresse de plus en plus à ces derniers titres. La preuve en est ce petit partage sur mon blog ! M.I.A, c’est comme un pot de Marmite, soit on aime soit on déteste. Et moi, dans les deux cas de figure : j’adore !

Autre titre de M.I.A que j’apprécie beaucoup : « Borders« , qui parle de la crise des migrants. Actualité, esthétisme, paroles, musique; tout y est. D’autant plus intéressant que M.I.A est elle-même issue d’une famille qui a fui le Sri Lanka pour le Royaume-Uni. N’en déplaise aux dirigeants du Paris Saint-Germain, ainsi qu’aux majors de la musique qui hurlent au scandale, la crise des migrants vue par M.I.A, c’est aussi ça :

La chanteuse M.I.A est une habituée des controverses en tout genre. Une vraie  »bad girl » qui assume son héritage et qui n’hésite pas à prendre position sur des sujets d’actualité. C’est peut-être pour cela que j’apprécie beaucoup cette artiste ! Go M.I.A!


Réflexions en générations

Avec les années qui passent on change, on évolue. Idem pour la société. Réflexions sur mes « générations sociologiques ».

Officiellement, je fais partie de la génération Y. Oui, celle-là même. Celle qui a eu peur du bug de l’an 2000, celle qui a connu la connexion internet « dial up », celle pour laquelle télécharger 40 secondes d’un Mp3 de Britney Spears prenait sept heures… Pour ceux qui n’ont pas connu cette époque, le dial-up c’était ça :

Officieusement, je fais aussi partie de la génération K. K pour kardashianisation. Kardashianisation du maquillage, de la mode, des vedettes, d’internet et j’en passe. Bref, la kardashianisation, c’est un peu comme le klonage …oh pardon, le clonage (voyez comment la kardashianisation a envahi le monde comme une peste, et je n’en suis même pas immunisée!). D’autres ont même trouvé un nom à cette pathologie des temps modernes, la Kardashianitis :

mauritius-ile maurice-mondoblog-kardashian-generation

Clonage des moues sur les selfies, clonage des savoirs (et son corolaire, le syndrome de la googlelisation), clonage des sociétés et des rituels de la vie quotidienne. Aujourd’hui, que vous soyez à l’Ile Maurice ou à New York, vous pouvez manger un McDo en swipant sur Instagram et en écoutant le dernier Rihanna. Bref, c’est aussi la génération Z, la génération connectée.

De K à Z, j’ai aussi l’impression de faire partie d’une génération KAZ… Une génération qui se réveille presque chaque matin en apprenant que l’horreur a encore frappé, un ensemble de jeunes actifs qui vit au rythme des #PrayFor et des #JeSuis. Cette même génération qui, surprise et médusée devant la télé, assistait en direct aux attentats du 11 septembre, mais qui quelques années plus tard s’habitue dangereusement aux breaking news, aux éditions spéciales, aux revendications, aux jours de deuil…

KAZ comme kamikaze. Et quand celui-ci exploite l’innocence de l’enfance comme il y a deux jours en Turquie, comment ne pas s’indigner? Face à la vague d’attaques terroristes qui touche les différents pays de la planète, il ne faut surtout pas céder à la  »banalisation » ou à la  »normalisation » de la violence et de l’horreur…

Je me souviens qu’en 2001, il m’avait fallu quelques minutes pour comprendre que je ne regardais pas un blockbuster avec des effets spéciaux, mais bien une attaque en direct. Or, depuis quelques années, au fil des atrocités qui ont lieu aux quatre coins du monde et des #PrayFor, #JeSuis… DuneGénérationDésenchentée.

La prochaine génération sera bientôt là. Quel monde lui transmettra-t-on? Vaste question qui mérite réflexion, et surtout action dans la bonne direction.


L’Ile Maurice, le féminisme et le Coca-Cola

C’est une tempête dans… une bouteille mauricienne de Coca ! En effet, beaucoup de bruit pour rien autour d’une photo de la campagne Taste the Feeling de Coca-Cola. La pub ci-dessus, qui fait pourtant partie d’une campagne mondiale, a suscité le courroux d’une consultante en genre qui l’a qualifiée de ‘presque pornographique ».

La jeune femme a obtenu que les autorités locales fassent interdire la publicité, au sacro-saint nom du féminisme. Mais aujourd’hui, face au tollé résultant de cette interdiction et au ridicule de la situation, les autorités n’ont eu d’autre choix que de se rétracter. Bref, c’est aussi ça l’Ile Maurice !

Comme mentionné dans mon billet La femme-objet fait art, je suis loin d’être une experte en féminisme ou en genre. Je ne suis qu’une Mauricienne ordinaire, qui vit sa vie ordinaire de jeune femme ordinaire. Acheter le journal et regarder les publicités font aussi partie de ma routine quotidienne de Mauricienne lambda. Petit échantillon de ce que je peux voir dans mon journal :

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Normalement, je n’aurais même pas du porter attention à cette pub. Pourquoi ? Primo, je ne suis pas dans les affaires. Deuzio, je ne suis pas un homme. Comme l’explicite la pub Business man reads business magazine. Le message implicite serait que le monde des affaires à l’Ile Maurice ne serait qu’une affaire d’hommes et que conséquemment le cœur de cible du magazine serait uniquement masculin… Alors, sexiste ou pas sexiste ?

Autre publicité. Celle-ci vante la carte pré-payée d’un opérateur mobile:

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On peut y lire la phrase en créole: Enn 35 par zour, ce qui peut être traduit par Une petite copine par jour. La pub repose sur un jeu de mot : ’35’ pour vendre le produit (Rs. 35 par jour). Toutefois, c’est bizarre que les consultants et autres défenseurs du féminisme ne soient pas montés au créneau face à ce message. Aussi tentons d’inverser les choses et les points de vue. Même si le jeu de mot passerait à la trappe, pourquoi ne pas écrire, Enn zom par zour (soit, Un homme par jour) et faire pavaner des hommes sur la pub?

Le gender biais ou les préjugés sexistes se cachent souvent, insidieusement, dans les implicites. A sérieusement consulter les publicités, on aurait bien d’autres chats à fouetter. Alors, deux lèvres sur un goulot d’un soda, ça reste soft !