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En musique pour la Journée de l’Afrique!

Ce jeudi 25 mai 2023, l’Union Africaine (UA) célèbre la Journée de l’Afrique. Cette journée marque le 60e anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), qui est par la suite devenue l’UA en 2002. L’Ile Maurice est membre de l’UA depuis 1968 et fait pleinement partie du continent africain.

En cette Journée de l’Afrique, je souhaite mettre en avant le lien commun qui nous unit tous, que nous soyons du continent, des îles ou de la diaspora. Et quoi de mieux que la musique pour le faire ? La musique a quelque chose d’universel et d’intemporel, qui traverse toutes les frontières tant géographiques que linguistiques. De plus, la traite négrière a voulu que les rythmes des musiques africaines aient été portés aux quatre coins de la planète.

Rythmes du séga

Il y a quelques mois, j’ai été profondément émue en écoutant le titre Yoga de la vedette nigériane Asake. J’ai ressenti des frissons dans tout le corps en entendant la langue de mon île natale, le créole mauricien, et les rythmes du séga, notre musique nationale, dans la chanson d’Asake. Une énorme fierté, un sentiment indescriptible! Cette langue et ces rythmes qui ont longtemps été minorés dans leur propre pays, avaient enfin une reconnaissance musicale non seulement continentale, mais internationale!

Tout cela ce n’était qu’à l’écoute du single Yoga. Puis, j’ai ressenti l’urgente nécessité d’aller découvrir le clip de la chanson sur Youtube. Que dire? C’était à nouveau une explosion d’émotions… Revoir les couleurs bariolées des car-rapides, les paysages chatoyants de Dakar et ressentir à nouveau l’énergie unique du Sénégal. J’étais émue jusqu’aux larmes en regardant le clip du talentueux Asake:

Formidable musique qui célèbre l’Afrique!

Était-ce la Sénégalaise en moi qui pleurait ? La Mauricienne ? L’Africaine ? Je n’en sais rien. Je sais juste que cette chanson a le don de rassembler, de fédérer et de célébrer l’Afrique. Que l’on soit du Nigeria, du Kenya ou des Seychelles, on ne peut y rester insensible. Le métissage des sons, des langues et des énergies fait que Yoga est à la fois ancestrale, contemporaine, mais surtout panafricaine.

Fierté

Comment expliquer une telle connexion? Une telle transcendance ? C’est sans doute là, l’héritage commun que nous tous, Africains, portons en nous. Héritage d’une infinie richesse dont nous devons être fiers!

Impossible de conclure ce billet sans saluer la mémoire du ségatier mauricien Michel Legris. Il est l’auteur du magnifique séga Mo Capitaine, qui a été repris par l’Australo-Mauricien Jason Heerah et qui a été à son tour samplé par Asake. Vive la musique et vive l’Afrique !

Le grand Michel Legris auteur de Mo Capitaine.
Reprise de Michel Legris par Jason Heerah, qui a été à son tour samplée par Asake.


Sur les traces des Hollandais à l’Ile Maurice

Ce jeudi 27 avril 2023 est jour de fête nationale aux Pays-Bas. Saviez-vous que le Plat Pays était la première nation à avoir établit une colonie de peuplement à l’Ile Maurice ? Suivez-moi sur les traces des Hollandais en terre mauricienne.

Vestiges du fort Frederick Hendrick. Photo: CR.

C’est un bond de 400 ans en arrière que je vous propose ! C’est au début des années 1500 que l’Ile Maurice aurait été découverte par des navigateurs portuguais. Ils l’auraient nommée Ilha do Cirne en raison du grand nombre d’oiseaux qu’ils aperçurent rassemblés sur le rivage, en approchant l’île. Les navigateurs les prirent pour des cygnes, mais tout porte à croire qu’il s’agissait en réalité de dodos.

En 1580, la Hollande est réunie à la couronne d’Espagne sous Phillippe II. En lutte avec les Portugais, pour les Indes, les négociants hollandais décident de former des sociétés pour exploiter l’Orient. Le 18 septembre 1598, une division hollandaise de trois vaisseaux (Amsterdam, Holland et Zealand) sous le commandement du vice-amiral Wibrant-Van-Warwyk arriva à l’Ilha do Cirne. Ils découvrirent un beau port bien clos ( le Port-Sud-Est, aujourd’hui appelé Vieux-Grand-Port). Le vice-amiral Wibrant-Van-Warwyk (vaisseau Amsterdam) prit officiellement possession de l’île pour la Hollande. Il la nomma Mauritius (Maurice), du nom du Prince Maurice Orange de Nassau. Le vaisseau-amiral de l’expédition s’appelait également Mauritius, mais n’était pas arrivé à l’Ilha do Cirne avec les autres. Les trois vaisseaux quittèrent Mauritius le 3 octobre 1598.

Quartier général

L’amiral Wibrant-Van-Warwyk revint sur l’île le 6 avril 1606, avec six vaisseaux. La même année, l’amiral Cornelis Matelief de Jonge introduisit sur l’île citronniers, orangers, plants d’ananas, bannaniers, quelques chèvres et cochons. Cependant, ce n’est qu’en 1638 sous l’administration du Gouverneur Pieter de Goyer (premier gouverneur hollandais de l’île) que les Hollandais établirent leur quartier général au Port-Sud-Est (Vieux-Grand-Port). Ils y construisirent le fort Frederick Hendrick, du nom de Frederic Henri de Nassau, petit frère de Maurice de Nassau. Le fort fut brûlé et détruit par les Hollandais eux-mêmes en 1710. Cette même année, ils abandonnèrent définitivement l’île pour se concentrer sur leur colonie du Cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud).

Des vestiges du fort Frederick Hendrick existent encore aujourd’hui au Vieux-Grand-Port, au sud-est de l’Ile Maurice. Le site abrite un musée qui fut innauguré en septembre 1998 par le Prince Maurits d’Orange-Nassau, dans le cade de célébrations marquant les 400 ans de l’arrivée des Hollandais à Maurice. C’est avec beaucoup d’émotion que nous pouvons y voir les fondations du fort face à la mer, ainsi que quelques pans de mur en pierres qui ont traversé les siècles :

Site historique du Vieux-Grand-Port. Photo: CR.
Frederic Henri de Nassau était le petit frère de Maurice de Nassau. Photo: CR.
Pan d’un ancien mur. Photo: CR.
Vestiges du fort. Photo: CR
Ruines de l’une des plus anciennes constructions de l’Ile Maurice. Photo: CR.

Outre le musée Frederick Hendrick, Vieux-Grand-Port est un lieu qui regorge de clins d’oeil au passage des Hollandais. Ces derniers ont certes introduit les citronniers et autres arbres fruitiers, mais ils ont surtout introduit l’incontournable canne à sucre. Celle-ci a été le poumon et clé de voûte de l’économie mauricienne pendant plusieurs siècles. La Chambre d’Agriculture a ainsi érigé un monument pour commémorer l’introduction de la canne à sucre par les Hollandais :

Monument sur l’introduction de la canne à sucre par les Hollandais. Photo: CR

En sus de la canne à sucre, c’est également aux Hollandais que nous devons l’introduction de cerfs, importés de Java (Indonésie). Ces derniers se sont rapidement multipliés et peuplaient jadis les forêts mauriciennes. Malheureusement, les forêts endémiques n’existent quasiement plus et les cerfs vivent aujourd’hui dans quelques chassés ici et là. La Société des Chasseurs de l’Ile Maurice a d’ailleurs érigé une stèle commémorant l’introduction des cerfs à l’Ile Maurice. Les inscriptions, peu lisibles, y sont en français, en anglais et en néerlandais :

Stèle commémorant l’introduction des cerfs à l’Ile Maurice, en français, anglais et néerlandais. Photo: CR.

Si les colons hollandais ont introduit sur l’île plusieurs éléments qui ont par la suite constitué l’identité de l’Ile Maurice (la canne à sucre et le cerf), ils l’ont aussi dépouillée d’un animal unique et emblématique : le dodo. Ce n’est donc point un hasard si la canne à sucre, le cerf et le dodo sont à eux trois les principales figures du blason et des armoiries de l’Ile Maurice.

Noortwyk Vlakte

Par ailleurs, les traces de la période hollandaise ne se trouvent pas uniquement au Vieux-Grand-Port. En effet, le Gouverneur Issac Johannes Lamotius (en poste de 1677 à 1692), fit défricher une quinzaine d’arpents à Noortwyk Vlakte (plaines du nord en néerlandais), où il fit planter de la canne à sucre. Les colons avaient mis au point des pressoirs à main grâce auxquels ils obtenaient du jus de cannes pour leur consommation. C’est d’ailleurs de cette époque et du terme Vlakte que nous est venu le nom Flacq (actuel district se trouvant au nord-est de Vieux-Grand-Port).

Puis vers 1696, les Hollandais décident de fonder divers établissements en forme de camps au Port-Nord-Ouest, à Rivière Noire, et aux Plaines Wilhems. Le nom de « Plaines Wilhems » (autre actuel district de l’Ile Maurice) proviendrait du patronyme de deux frères, les frères Wilhems, qui furent les premiers à mettre ces plaines en culture.

Outre les noms de quelques districts, la montagne du Pieter Both est aussi un héritage de la période hollandaise. Pieter Both, premier Gouverneur des Indes néerlandaises, est considéré comme le fondateur de l’empire hollandais aux Indes. En janvier 1615, le Gouverneur Pieter Both accoste l’Ile Maurice avec quatre vaisseaux pour s’y rafraîchir. Mais deux des vaisseaux, l’un desquels il se trouve, sont repoussés en mer pendant une tempête. Les deux vaisseaux sont ensuite rejetés à la côte. Ils y périssent, avec la moitié de leurs équipages, et parmi eux le Gouverneur Both lui-même. Selon la légende, son corps est retrouvé dans la baie qui reçoit depuis le nom de Baie-du-Tombeau. En homage, son nom fut ensuite donné à la montagne faisant face à la Baie-du-Tombeau.

Pieter Both, premier premier Gouverneur des Indes néerlandaises
Pieter Both, premier premier Gouverneur des Indes néerlandaises. Photo: Du Bois

Nous retrouvons ainsin le nom du premier Gouverneur des Indes néerlandaises dans la toponymie mauricienne. Cependant, force est de constanter qu’aucun des anciens gouverneurs hollandais n’ait laissé son nom à une quelconque ville, bourgade, montagne ou rivière mauricienne. Je concluerai donc ce petit billet avec les noms des gouverneurs hollandais qui ont administré cette colonie, en hommage à ceux qui ont été aux prémisses de l’Ile Maurice de 1638 à 1710 :

  1. 1638 Pieter de Goyer, le premier gouverneur hollandais.
  2. 1649 Adriaan Van der Stel
  3. 1650 Maximilien de Jonge
  4. 1659 Adriaan Nieuland
  5. 1664 Dirk Janszeen Scient
  6. 1668 George Frederic Wreede
  7. 1671 Herbert Hugo
  8. 1677 Issac Joanes Lamotius
  9. 1692 Roelof Diodati
  10. 1705 – 1710 Abraham Mommer Van de Velde, le dernier gouverneur hollandais.
Perspective sur l’histoire et sur ces Hollandais qui ont été aux prémisses de l’Ile Maurice. Photo: CR.

Références:

BONAPARTE, R (1890), Le premier établissement des Néerlandais à Maurice, Paris.

CHELIN, J.M (2020) : Tablisman, histoire de l’industrie sucrière de l’île Maurice, IPC Ltd.

D’EPINAY, A (1890) : Renseignements pour servir à l’histoire de l’Île de France jusqu’à l’année 1810, inclusivement; Nouvelle Imprimerie Dupuy.

DU BOIS, J.P.J (1763) : Vies Des Gouverneurs Généraux: Avec l’Abrégé de l’Histoire des Etablissemens Hollandois Aux Indes Orientales , Pierre de Hondt.


A la découverte du Mont-calvaire de Sombacour

En ce début du mois d’avril 2023, les catholiques du monde entier entreront dans la Semaine Sainte. Il s’agit d’un temps très fort du calendrier liturgique chrétien, qui commencera avec le Dimanche des Rameaux et qui culminera vers la crucifixion et la résurrection du Christ. A cette occasion, suivez-moi pour une visite au Mont-calvaire de Sombacour !

Vue sur le Mont-calvaire de Sombacour.
Vue sur le magnifique Mont-calvaire de Sombacour. CR.

Quel calvaire ! Si ce mot est associé à un supplice, la découverte du Mont-calvaire de Sombacour fut, pour sa part, loin d’être un… calvaire ! Bien au contraire ! Comme son nom l’indique le Mont-calvaire de Sombacour, se trouve sur un mont, soit une colline plus précisément, au cœur du département du Doubs. Le monument date des années 1840s et est aujourd’hui classé Monument Historique.

Le Mont-calvaire de Sombacour est classé Monument Historique.
Le Mont-calvaire de Sombacour est classé Monument Historique.

Selon le Larousse, le mot calvaire tire son origine du latin calvaria, qui veut dire crâne. On en retrouve des traces dans l’étymologie de quelques mots du français usuel, tels que calvitie ou encore chauve. Cependant, en latin ecclésiastique le terme calvaria avait une toute autre signification. En effet, le calvaria était le lieu-dit du crâne, où fut crucifié Jésus. Cette appellation viendrait du grand nombre de crânes qui s’y trouvait, du fait que de nombreux condamnés y furent exécutés. Par métonymie, on donna le nom calvaire aux monuments, composés d’une ou trois croix, reproduisant respectivement la crucifixion de Jésus et des celle des deux larrons morts avec lui.

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Finesse et netteté

Le Mont-calvaire de Sombacour est, pour sa part, constitué des quatorze stations du Chemin de croix (parcours de Jésus vers la crucifixion). Elles se visitent au travers d’une ascension en serpentant jusqu’au sommet de la colline où se trouvent un oratoire, ainsi qu’une grande croix. Les stations du Chemin de croix sont en pierre et sous forme d’édicules – il s’agit de petits édifices construits à l’intérieur d’un grand. La finesse et la netteté des sculptures en haut-relief y figurant est impressionnante.

Station du Chemin de croix sous forme d’édicules.
Station du Chemin de croix sous forme d’édicules.

Si l’ascension vers la dernière station peut s’avérer quelque peu éprouvante pour certains, elle en vaut largement la peine ! En effet, la dernière station, mène à une magnifique terrasse avec un oratoire. Celle-ci héberge un grandiose gisant du Christ, impressionnant de réalisme. Plus époustouflante encore est la vue exceptionnelle qui s’offre à nous du haut de la colline. Surplombant le village, le Mont-calvaire de Sombacour nous emporte dans la douceur et la quiétude de la campagne franc-comptoise.

Grandiose gisant du Christ, impressionnant de réalisme.
Grandiose gisant du Christ, impressionnant de réalisme. CR

Vertigineux

Toutefois, attention à la descente, car comme le dit le proverbe, plus on s’élève, plus dure sera la chute… ou plus vertigineux sera le vertige (!) Et pour cause la descente en serpentant les corniches à flanc de colline peut parfois donner le tournis. Mieux vaut s’accrocher.

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Vue exceptionnelle et descente vertigineuse!
Vue exceptionnelle et descente vertigineuse! CR

Au bout du compte, j’en suis redescendue heureuse et sereine. Un dernier regard au haut de la colline pour en admirer la beauté et se dire à bientôt. Le Mont-calvaire de Sombacour est un lieu magnifique, qui a vraiment tout pour plaire !


Si tant, dans l’air du temps

Les langues ont toujours été dynamiques.

Il n’est un secret pour personne que j’adore la sociolinguistique. C’est donc toujours avec le même intérêt et enthousiasme que j’observe la vie des mots, ainsi que leur évolution au sein de la créolophonie et francophonie mauricienne. Ces derniers temps, il y a une expression en particulier qui a attiré mon attention. Il s’agit de « si tant ».

En français, nous avons la locution « si tant est que ». Celle-ci peut servir à introduire une supposition (ex. Le dodo d’or, si tant est qu’il existe, n’a jamais été vu) ; une condition (ex. J’irai à Port-Louis, si tant est qu’ils acceptent de m’y accompagner) ou une concession (ex. J’ai été obligée de manger tout le plat, si tant est que ma cousine a insisté).

En revanche, en créole mauricien, nous avons la locution « si tan », sans le verbe « est » et le pronom relatif « que ». Cette expression, qui existait déjà, a en général la même signification que « tellement » (telmen en creole). Cependant, « si tan » connait depuis quelques temps un regain de popularité face à sa variante « telmen », si bien que l’on l’entend de plus en plus souvent. En voici quelques exemples :

  1. Entendu lors d’une conversation usuelle

« Ayo, si tan lon ?»

« Ohlala, aussi long ?»

2. Extrait d’une publicité pour une banque mauricienne diffusée à la radio (décembre 2022/ janvier 2023)

« Ena ki pou kontan pay par kart si tan zot eksite kone ki pou ena 15 gagnan »

« Il y en a qui seront heureux de payer avec leur carte, tellement qu’ils sont excités de savoir qu’il y aura 15 gagnants »

3. Extrait des paroles d’une chanteuse mauricienne (chanson sortie en décembre 2022)

« Sa lazwa nou propaze, depass tou frontier si tan li voyaze »

« La joie que nous propageons dépasse toutes les frontières, tellement qu’elle voyage »

Les traductions du créole mauricien vers le français sont miennes. Peut-être que d’autres les auraient faites différemment, car « si tan » semble être une expression polysème (qui a plusieurs sens). Aussi, autant, tellement que ? A chacun son interprétation. D’autant plus que les langues ont toujours été dynamiques et les mots et expressions évolueront sans cesse au cours de leur existence.

Par contre, s’il y a une chose qui met tout le monde d’accord, c’est que « si tan » fait partie de l’air du temps, en ce mois de janvier 2023. En effet, son utilisation par les Mauriciens dits lambdas, les publicitaires et les paroliers en est la preuve. Tout comme l’est ce petit billet que vous venez de lire ! 🙂


Philatélie : 250 ans pour la poste mauricienne !

1772 – 2022. Cela fait 250 ans que la poste de l’Ile Maurice existe. Retour sur la genèse de ce qui est aujourd’hui l’un des plus anciens services postaux de l’hémisphère sud toujours en opération.

Le Blue Penny. Qui ne connait pas ce fameux timbre mauricien à l’effigie de la Reine Victoria, l’un des plus rares au monde ? Véritables stars de la philatélie, le Blue Penny et le Orange-Red Penny datent de 1847. Ils sont les premiers timbres émis pour le service postal de l’Ile Maurice, qui était alors une colonie britannique.

Véritables stars de la philatélie, le Blue Penny et le Orange-Red Penny datent de 1847. Photo: Wikicommons

Cependant, l’histoire du service postal mauricien est bien plus ancienne. En effet, elle remonte aux années 1770s, au temps où le pays était une colonie française du nom de l’Isle de France. C’est le 21 décembre 1772 que le Bureau général des Postes et Gazettes ouvrit ses portes à Port-Louis, dans les locaux de l’Imprimerie Royale. La distribution du courrier se faisait alors au moyen de longs et difficiles déplacements à pieds, sur les rares routes de la colonie.

Poste et presse

Par ailleurs, la genèse du service postal est intimement liée à l’histoire de la presse locale. En janvier 1773, Pierre Nicolas Lambert, imprimeur du Roi, publia le premier journal de l’île, intitulé Annonces, Affiches et Avis divers pour les colonies des Iles de France et de Bourbon. Le service des postes assurait alors la distribution du journal imprimé localement et des lettres arrivées par vaisseaux, à destination des particuliers. Cette distribution à domicile était gratuite pour les abonnés au journal. En revanche, les non-abonnés devaient s’acquitter de frais de port après réception du courrier. Le coût variait selon l’éloignement géographique de Port-Louis.

A partir de 1776, les services postaux furent séparés de ceux de l’Imprimerie Royale. Entre 1786 et 1789, un service royal de courrier maritime avec la France fut créé. En 1790, ces services furent réorganisés avec une Poste Générale à Port-Louis et des Bureaux de cantons dans les quartiers. Ces derniers sont des lointains ancêtres de nos districts.

L’Isle de France passa sous administration Britannique en 1810. En janvier 1811, la Poste Générale devint un département civil de l’administration coloniale. Malgré ce changement d’administration, la colonie continua sur sa belle lancée, avec une industrie sucrière en plein essor. Ces profonds et rapides changements nécessitèrent une réorganisation des services postaux. L’objectif était d’améliorer la communication tant à l’intérieur de la colonie, que vers le reste du monde.

Le bal de Lady Gomm

C’est ainsi que Sir William Maynard Gomm, Gouverneur de l’île de 1842 à 1849, instaura une réforme de la poste. Il s’agit de l’ordonnance no13 de 1846. La principale innovation de cette réforme fut l’adoption d’un système de prépaiement grâce au timbre-poste. Cette pratique existait déjà en Grande-Bretagne (avec le Penny Black de 1840, qui est le premier timbre au monde) et au Brésil.

L'ordonnance de Sir William Maynard Gomm sur la réforme de la poste en 1846. Photo: JR
L’ordonnance de Sir William Maynard Gomm sur la réforme de la poste en 1846. Photo: JR

Les premiers timbres de l’Ile Maurice, le Blue Penny et le Orange-Red Penny, furent conçus et imprimés le 20 septembre 1847, dans un contexte très précis. En effet, l’Isle de France nouvellement britannique se trouvait peu d’affinités avec les administrateurs de Sa Majesté. C’est ainsi que Lady Gomm, épouse du Gouverneur de l’île, décida d’organiser un bal à l’Hôtel du Gouvernement, dans le but de réconcilier les populations française et britannique. Le bal était prévu pour le 30 septembre 1847. Lady Gomm demanda de graver deux timbres qu’elle utilisa sur les enveloppes contenant les cartons d’invitation qu’elle envoya aux convives. Ces enveloppes, appelées le Ball Cover, figurent aujourd’hui parmi les objets les plus rares, recherchés et chers de la philatélie.

Blue Penny

L’Ile Maurice devint ainsi la première colonie britannique à éditer les timbres postaux. Le Blue Penny et le Orange-Red Penny furent conçus et imprimés par Joseph Osmond Barnard, originaire de Portsmouth en Angleterre.  C’est d’ailleurs avec beaucoup d’émotion que j’ai découvert sa tombe à Port-Louis.

Tombe de Joseph Osmond Barnard, qui a conçu les premiers timbres mauriciens. Photo: CR.
Tombe de Joseph Osmond Barnard, qui a conçu les premiers timbres mauriciens. Photo: CR.

Toujours dans le cadre de cette réforme, la Poste Générale, qui se trouvait au cœur de Port-Louis, fut transférée au plus proche du port, en 1870. Nicholas Pike, consul américain arrivé à Maurice en janvier 1867, fut témoin de la construction de la Poste Centrale, ou General Post Office pour l’administration britannique. « There is a new Post-Office in the course of erection near the Customs-House. It is to be hoped that the new light and airy place will give a proportionate impetus to the activity of the clerks on mail day», observa-t-il*. Il indiqua aussi qu’un réseau de fils télégraphiques reliait la Poste Centrale à la Montagne des Signaux.

* «Il y a un nouveau Bureau de poste en cours de construction près de la Douane. Espérons que ce nouveau lieu lumineux et aéré donnera une impulsion proportionnée à l’activité des commis le jour du courrier », observa-t-il.

Télégrammes

Ce service de télégrammes était encore disponible pendant les années 1960. «Sa lepok la, pa tou dimounn ki ti ena telefonn. Kan ti ena enn messaz pou fer passer ou si enn zour enn dimounn mor ici Curepipe, nou bizin avoy nouvel-la a Cap Malheureux, mo rapel mo papa ti pe ekrir enn messaz 5 mots ou 10 mots. Li amenn sa lapost. Mo pa rapel combien sa ti koute, mais mem zour bann-la ti gagne nouvel-la », se remémore Roberto.**

**« A cette époque, ce n’était pas tout le monde qui avait le téléphone. Quand on avait un message à faire passer ou si un jour quelqu’un mourrait ici à Curepipe et que nous devrions transmettre la nouvelle à Cap-Malheureux, je me souviens que mon père écrivait un message de 5 ou 10 mots. Il l’emmenait à la poste. Je ne me souviens pas du coût, mais les autres recevaient la nouvelle le même jour », se remémore Roberto.

Le service de télégrammes était encore disponible pendant les années 1960. Photo: CR
Le service de télégrammes, ici au Musée de la poste, était encore disponible pendant les années 1960. Photo: CR

Depuis, les moyens de télécommunications ont certes évolué, mais la Poste Centrale n’a jamais quitté les locaux qu’elle occupe depuis maintenant 152 années. C’est le plus ancien bureau de poste de Maurice et l’un des rares qui ait conservé sa fonction première. Il abrite aussi le Musée de la poste. Véritable bijou architectural, le bâtiment de la Poste Centrale est fait d’imposants bloques de basalte et de poutres épaisses. Il comprend aussi 5 arches sur la façade avant.

Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR
Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR
Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR
Le bâtiment de la Poste Centrale avec ses arches, véritable bijou d’architecture. Photo: CR

Fierté et admiration

C’est avec fierté et admiration que je contemple ce bâtiment quand je suis à Port-Louis. Fierté de faire partie d’une histoire qui date de 250 ans et qui a vu la naissance d’un pays. Admiration devant ces immenses bloques de basalte, immobiles, mais qui ont pourtant voyagé dans l’Histoire et à travers le monde, grâce à des courriers échangés avec les quatre coins d’une planète en constante mutation.

La Poste Centrale a vu défiler tant de gens, a servi à transmettre tant de nouvelles, tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Avec l’avènement d’internet, le courrier postal est devenu quelque peu désuet, mais le bâtiment de la Poste Centrale représente pour moi un immuable témoin de l’Histoire, toujours et à jamais en… poste !

Références :

PIKE, N (1873) : Sub-tropical Rambles in the Land of Aphanapteryx, Harper & Brothers Publishers.

ROUILLARD, J (1867) : A Collection of the laws of Mauritius and its dependencies, Vol. V, L. Channell, Rue La Poudrière, Port-Louis.

PS. Clin d’œil à mes chers parents qui m’ont offert mon premier album de timbres quand j’étais enfant. Coucou aussi à mon tonton Pascal pour tous les magnifiques timbres d’ici et d’ailleurs, ainsi que pour ses précieuses explications 🙂


Ile Maurice: Antoinette, visite dans l’histoire

1834 – 2022. En ce 2 novembre 2022, l’Ile Maurice commémore l’arrivée des travailleurs engagés venus d’Inde. A cette occasion, je vous emmène en promenade à Antoinette sur les traces d’hommes et de femmes qui ont voyagé de si loin. Suivez-moi pour une visite dans l’histoire !

 Vue sur la cheminée de l’ancienne usine.
La vue de la cheminée de l’ancienne usine sucrière. Photo: CR

Antoinette. Ce beau prénom est celui d’une ancienne usine sucrière située à Barlow, au nord-est de l’Ile Maurice. Non, il ne s’agit pas d’un hommage à la reine Marie-Antoinette, mais plutôt à Antoinette défunte épouse du dénommé Raoul de Maroussem, propriétaire terrien. Ce dernier aurait ainsi donné ce nom à sa propriété après le décès de son épouse, morte de malaria vers les années 1870s. Le domaine d’Antoinette a cependant une histoire bien plus ancienne.

En effet, c’est en 1770 que Louis Alexandre Chevalier de Chermont, militaire français né en Alsace, obtient une concession au nord de ce qui était alors l’Isle de France. Toutefois, ce n’est qu’en 1783 qu’un dénommé Louis Naud développa la culture de la canne à sucre sur ces terres. Il leur donna le nom de Belle-Alliance. Puis, c’est lors des années 1830s, sous George Charles Arbuthnot, de la société anglaise Hunter Arbuthnot & Co, que Belle-Alliance s’imposa comme l’une des principales usines sucrières du nord-est de l’île. Hunter Arbuthnot & Co possédait alors Belle-Alliance et Petit Bois (futur The Mount). Lors des années 1860s, Belle-Alliance appartenait à Raoul de Maroussem et devint plus tard Antoinette en définitive.

Laboratoire social

Hormis tous ces individus susmentionnés, il y a aussi ceux dont l’histoire n’a malheureusement retenu ni les noms, ni les mémoires. Comme toutes les usines sucrières de l’époque, de l’Ile Maurice à La Louisianne, Antoinette était un laboratoire social, avec des individus issus des quatre coins de la planète. C’était un microcosme de ce qui se faisait de mieux et de pire. D’une part, le développement avec un grand D, et d’autre part, l’enfer de l’esclavage et de l’engagisme.

C’est ce qui fait d’ailleurs la particularité d’Antoinette. Elle a été l’usine sucrière vers laquelle les premiers travailleurs engagés venus d’Inde furent déployés. Ils débarquèrent à l’Ile Maurice le 2 novembre 1834 à bord du navire l’Atlas. A l’entrée de l’ancienne usine sucrière se trouve d’ailleurs une sculpture en ciment, à la mémoire des immigrants indiens. Ce monument en forme de lotus, signé Mala Chummun, fut inauguré le 2 septembre 1984. A côté de cette sculpture se trouve une dalle datant d’avril 2016, où sont inscrits les patronymes de ces immigrants.

Sculpture en ciment, en forme de lotus, à la mémoire des immigrants indiens.
Sculpture en forme de lotus à la mémoire des immigrants indiens. Photo: CR.
Dalle avec les patronymes des immigrants.
Dalle avec les patronymes des immigrants. Photo: CR

Depuis 1984, une particule s’est ajoutée au nom d’Antoinette. Il s’agit du mot « phooliyar ». Ce terme serait une distortion des mots tamouls « pillayar » ou «pulayas », qui signifient Dieu Ganesh (Ghosh, 2019). L’histoire impose souvent ses silences. L’utilisation du mot « phooliyar », serait donc une forme de réappropriation et de reconstruction de l’histoire par les descendants des travailleurs engagés (Ghosh, 2019).

Espoirs

Aujourd’hui, Antoinette se réinvente donc en lieu des mémoires. La paisibilité et la sérénité des lieux m’ont frappée. La vue de la cheminée, des murs en pierre et des ruines de l’usine nous laisse imaginer la splendeur passée des lieux, ainsi que l’existence des personnes qui y vivaient et y travaillaient. Le labeur et la mémoire de ces êtres se trouvent certes à travers les monuments. Mais pour moi, ils se trouvent étrangement à la vue des terres et des vastes champs de canne à sucre qui entourent encore Antoinette.

Terres qui traversent les temps. Terres de déboires, mais surtout terres de tous les espoirs.

Terres et champs de canne à sucre qui entourent encore Antoinette.
Terres et champs de canne à sucre qui entourent encore Antoinette. Photo: CR.

Référence:

GHOSH, B (2019) : Le site de Phooliyar à Maurice : l’empreinte de la mémoire des migrations, Carnets de Recherches de l’océan Indien, Université de la Réunion.


Afrique : Triennale 2022 de l’ADEA à l’Ile Maurice

L’Ile Maurice a accueilli la Triennale 2022 de l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique (ADEA), du 19 au 21 octobre 2022. Décideurs politiques, chercheurs, membres d’ONG et représentants de la société civile se sont réunis pour un dialogue de haut niveau autour des systèmes éducatifs africains.

«Réflexion sur l’impact du COVID-19 sur les systèmes éducatifs africains, et comment renforcer la résilience pour soutenir le développement des compétences pour le continent et au-delà. » Tel était le thème de la Triennale 2022 de l’ADEA, qui s’est tenue à l’Ile Maurice, en présence d’Albert Nsengiyumva, Secrétaire Exécutif de l’ADEA. Plus de 300 délégués du continent africain et d’ailleurs ont fait le déplacement pour ce forum de haut niveau sur l’éducation, l’un des plus importants d’Afrique.

La Triennale 2022 s’est tenue en présence d’Albert Nsengiyumva, Secrétaire Exécutif de l’ADEA.
La Triennale 2022 s’est tenue en présence du Secrétaire Exécutif de l’ADEA. Photo: CR

Selon l’ADEA, la Triennale vise à encourager « les interactions continentales, régionales et transnationales dans l’optique de favoriser l’apprentissage et l’échange de connaissances entre pairs. Au-delà de cet événement phare, l’ADEA facilite les processus d’examen par les pairs dans le secteur de l’éducation, y compris les systèmes nationaux d’information de gestion de l’éducation, par le biais des ministères de l’éducation. »

Réinvention

Outre les sessions plénières, plusieurs sessions en groupes ont permis aux participants de la Triennale d’aborder des thèmes critiques au développement et à la transformation des systèmes éducatifs africains. Les axes thématiques de la conférence étaient comme suit : l’Impact du COVID-19 sur les systèmes éducatifs africains; l’Apprentissage fondamental; le Développement des compétences techniques et professionnelles; et la Réinvention de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Le changement climatique, l’équité, l’inclusion et le genre constituaient également des prismes transversaux pour les discussions.

Décideurs politiques, chercheurs, membres d’ONG et de la société civile se sont réunis à la Triennale. Photo: CR
Décideurs politiques, chercheurs, membres d’ONG et de la société civile se sont réunis à la Triennale. Photo: CR

L’Afrique doit apprendre à penser par elle-même. Tel pourrait être le fin mot qui a émergé de ces trois jours de dialogue de haut niveau. Il est en ressorti que chaque pays du continent a ses propres spécificités, ainsi que ses propres défis. Malgré cela, l’Afrique doit réfléchir et avancer de manière coordonnée vers un objectif commun : l’éducation des jeunes Africains pour en faire des citoyens responsables, productifs, résilients et en alerte face aux défis de leur temps. La caractéristique évolutive des systèmes éducatifs a aussi été mise en avant, ainsi que la nécessité pour chacun de toujours se remettre en question, et d’apprendre des échecs et des réussites des pairs du continent.

Plusieurs ministres africains responsables de l’éducation, notamment ceux de l’Angola, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, du Ghana, de l’Ile Maurice, de Madagascar, de la Mauritanie, du Malawi, du Nigeria, de l’Ouganda, du Rwanda et du Zimbabwe, ont participé à la Triennale 2022 de l’ADEA. Celle-ci était organisée en mode hybride. Les deux précédentes Triennales se sont tenues en 2012 et en 2017, au Burkina Faso et au Sénégal respectivement. La prochaine Triennale aura lieu en Ouganda.

L’Afrique doit apprendre à penser par elle-même. Photo: CR
L’Afrique doit apprendre à penser par elle-même. Photo: CR


Ile Maurice : l’alimentation sans filtres

En ce dimanche 16 octobre 2022, le monde célèbre la Journée mondiale de l’alimentation. Véritables stars des réseaux sociaux, nos repas s’affichent toujours sous leurs meilleurs attraits. Association des couleurs vérifiée et validée, l’assiette doit être parfaite. Quid des plats dits de l’ordinaire ?

 Poke Bowl. Photo: Marco Verch
Le poke bowl, taillé sur mesure pour les réseaux sociaux. Photo: Marco Verch.

Tacos, poke bowls, buns, burgers. Ce sont là les noms de quelque plats-star des réseaux sociaux. Ils ont été adoptés par la jeunesse branchée, les jeunes cadres et les dit-influenceurs, de New York à Paris, en passant par l’Ile Maurice. Assiettes calibrées, millimétrées et validées pour répondre aux critères du marketing 2.0, force est de constater que le diktat de l’apparence et de l’uniformisation a gagné notre alimentation depuis plus d’une bonne dizaine d’années.

« C’est joli, sympa et attrayant! L’aspect visuel est incroyable, très photogénique. Certes, je trouve le plat très instagrammable, mais de plus, il est sain », explique Zoé, les yeux plein d’étoiles devant son poke bowl. Du rêve, en veux-tu, en voilà. En sus de la nourriture, le restaurant vend aussi de l’exotisme, la promesse de voyager loin. L’établissement propose ainsi un mur végétal, des guirlandes d’orchidées et une balançoire pour que les clients se prennent en photo.

Créer du buzz

On sent bien l’objectif de créer du buzz autour du lieu et le choix du marketing 2.0. La clé de la réussite pourrait se résumer en une formule : ingrédients efficaces, populaires, colorés, faciles à photographier et surtout pas chers. Mix entre la salade et les sushis, le poke bowl s’y prête bien ! Par ailleurs, je n’aurais jamais connu ce plat sans les réseaux sociaux. En effet, il ne fait pas partie des plats que je mange à la maison ou avec lesquels j’ai grandi.

Pour cette Journée mondiale de l’alimentation, j’ai donc décidé d’aller à contre-courant de ce qui se fait sur les réseaux. J’ai ainsi choisi de mettre en lumière les plats qui nous ont été transmis par nos grands-pères, nos grand-mères, nos mères et nos pères. Ils ne sont ni instagrammables, ni parfaits, mais ils sont mitonnés avec amour à la maison au quotidien. Manzé lakaz comme on dit à l’Ile Maurice, en somme. Délicieux, uniques et authentiques !

1. Salades

Salade de margoses.
Salade de margose, connue pour son amertume!! 🙂 Crédit: CR.
Salade d'ourite sec (pieuvre) de Rodrigues!
Salade d’ourite sec (pieuvre) de Rodrigues! Crédit: CR.

2. Boulettes

Gâteaux arouille en cours de préparation!
Gâteaux arouille en cours de préparation! Crédit: CR.
Boulettes chouchou (christophine) en cuisine!
Boulettes chouchou (christophine) en cuisine! Crédit: CR.

3. Plats de résistance

Riz blanc, harricots rouges, anguives frits et rougaille de chevrettes ! Crédit: CR.
Riz blanc, curry de calebasse et chevrette sec, et salade de carottes ! Crédit: CR.
Riz blanc, lentilles, anguives et chutney de pipangailles !
Riz blanc, lentilles, anguives et chutney de pipangailles ! Crédit: CR.
Riz blanc, brèdes rave et chutney de pomme d’amour (tomates)!
Riz blanc, brèdes rave et chutney de pomme d’amour (tomates)! Crédit: CR.
Riz blanc, curry de jacques et boucané !
Riz blanc, curry de jacques et boucané (poitrine de porc fumée) ! Crédit: CR.

4. Touche sucrée

Pudding au pain
Le pudding au pain de ma maman!! 🙂 Crédit: CR.

PS. Clin d’œil à mon grand-père qui était cuisinier de métier, et aussi à mes parents, qui m’ont tout appris. Par ailleurs, quand j’étais enfant, ma grand-mère maternelle nous préparait à chaque nouvel an un énorme moulouktani pour le grand dîner familial. S’il s’agit d’un délicieux bouillon épicé, et elle y mettait aussi les carcasses des dindes que l’on avait mangées à Noël. On l’accompagnait d’un super satini coco que ma grand-mère « écrasait » (préparait) sur la « ros-kari » (meule en pierre). Je n’ai malheureusement pas de photos, mais les souvenirs sont indélébiles 😊


Fake news: l’impossible combat?

Inutile de vous les présenter. Vous les connaissez déjà, et pour cause, eux ce sont les fake news. Portées par les réseaux sociaux, les nouvelles fallacieuses font partie de notre quotidien depuis une bonne dizaine d’années. David Aiello, journaliste, nous explique comment décoder et identifier les fake news.

« Fake news comment déceler le vrai du faux », tel était le thème de la conférence donné le jeudi 22 septembre à l’Institut Français de Maurice par David Aiello, journaliste à RTL France et à l’Equipe. Ce titre est en écho à un phénomène qui s’est durablement installé dans nos vies, et ce par le truchement des réseaux sociaux. Contrairement aux médias traditionnels qui offrent un minimum d’information pour un maximum de temps, les réseaux sociaux ont la particularité de nous bombarder d’un maximum d’information en un minimum de temps.

Nous évoluons désormais dans l’ère de l’industrialisation des fake news. Photo: CR.

Nous faisons donc face à un flux continuel d’information, de publications et de nouvelles en tout genre. Selon David Aiello, nous évoluons désormais dans l’ère de l’industrialisation des fake news. De la fausse nouvelle artisanale, nous sommes passés à la fabrication à la chaîne de fake news et à leur diffusion. Il existerait en effet de véritables usines de productions de fake news, et ce à des fins de propagande, de manipulation ou de marketing. La guerre de l’information, que cette dernière soit vraie ou fausse, fait rage et les conséquences des fake news sont à la fois économiques et politiques, avec des risques de déstabilisation des démocraties, explique le journaliste.

Réflexes à adopter

Il est donc primordial de savoir débusquer les fake news. Mais alors, comment déceler le vrai du faux ? David Aiello nous propose quelques bons réflexes à adopter:

  1. Identifier la source et l’auteur

Explorer le site, son but, sa page « contact ». Faire une recherche rapide sur l’auteur. Est-il fiable ? Existe-t-il vraiment ?

2. Vérifier la date

Partager un vieil article ne signifie pas qu’il est d’actualité.

3. Evaluer nos préjugés

Nos propres opinions peuvent affecter notre jugement.

4. Attention au biais de confirmation.

Ce biais se manifeste naturellement, car l’humain cherche instinctivement ce qui le conforte dans ses idées, ses opinions et ses croyances. On n’aime pas être bousculé dans nos convictions.

5. Aller au-delà du titre

Les titres peuvent être racoleurs pour obtenir des clicks. Lire l’article en entier.

6. D’autres sources ?

Consulter les liens pour vérifier l’information.

7. Est-ce de l’humour ?

Si c’est trop extravagant, est-ce une satire ? Vérifier la vocation du site.

8. Que disent les experts ?

Demandez à un spécialiste ou consultez un site de vérification des faits.

Nouveau visage

Par ailleurs, les fake news ont désormais un nouveau visage : le deepfake. Pendant longtemps, la désinformation se faisait à travers des textes écrits, puis par des photos manipulées. La vidéo était jusqu’à tout récemment la preuve ultime de la vérité. Mais ce temps est révolu. Jadis réservé au monde cinématographique et à l’univers de effets spéciaux, le deepfake était accessible uniquement à des professionnels ou amateurs très avertis. Hors, le deepfake s’est aujourd’hui démocratisé et n’importe qui peut, en quelques minutes, truquer une vidéo. Ce qui est très dangereux, car tout le monde peut faire dire n’importe quoi à n’importe qui. Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, voici une excellente video : Le deepfake expliqué.

En somme, le combat contre les fake news est loin d’être gagné. Les technologies et les intelligences artificielles sont en constante évolution, devenant toujours plus puissantes. La principale arme que nous avons reste notre cerveau et notre esprit critique, explique David Aiello. Il est donc essentiel que les citoyens de toutes les générations, et pas uniquement les jeunes, soient sensibilisés et éduqués aux dangers de la mésinformation. Nous avons tous un rôle à jouer dans le combat contre les fake news.


Napoléon et l’Ile Maurice

5 mai 1821. Deux siècles de cela, Napoléon Bonaparte mourrait en exil sur l’île Sainte-Hélène. Empereur des Français et militaire de génie, il exerça une puissance inégalée sur l’Europe du début du 19e siècle. A cette période, l’Ile Maurice était encore une colonie française et s’appelait l’Isle de France. Bien que Napoléon 1er ne soit jamais venu à l’Ile Maurice, il impactera le territoire mauricien et la vie locale de bien des manières.

1. Port Napoléon

Saviez-vous que Port-Louis, l’actuelle capitale de l’Ile Maurice, s’appelait autrefois Port-Nord-Ouest, puis Port-Napoléon ? En août 1806, avec l’avènement de l’Empire napoléonien, le gouverneur Decaen lui donna le nom de Port-Napoléon. Il fut conservé jusqu’à la prise de l’île par les Britanniques en 1810. A la période napoléonienne, le Port-Sud-Est (Grand-Port) changea aussi de nom, pour devenir Port Impérial.

Port-Louis. Photo: Wikicommons
Port-Louis. Photo: Wikicommons

2. Bataille de Grand-Port

Les guerres napoléoniennes ont un lien intrinsèque avec l’histoire de l’Ile Maurice. La bataille de Grand-Port en août 1810 fut la plus grande victoire navale française sous Napoléon et la pire défaite des Anglais. Grand-Port figure donc fièrement sur l’Arc de Triomphe.

Grand-Port sur l’Arc de Triomphe. Photo: Wikicommons.

3. Décret du 20 mai 1802

Par le décret du 20 mai 1802, Napoléon légalisa et rétablit l’esclavage dans les colonies sucrières françaises. Ceci n’impacta pas l’Isle de France car celle-ci n’avait pas reconnu le décret de la Convention nationale de 1794 qui prescrivait l’abolition immédiate de l’esclavage.

Monument de l’esclavage au Morne, Ile Maurice. Photo: CR.

4. De Sainte-Hélène à l’Ile Maurice

Connaissez-vous l’abbé Antonio Buonavita? Ce jésuite corse, missionnaire et globetrotteur était le premier aumônier de Napoléon à Sainte-Hélène. Buonavita fut nommé préfet apostolique de Sainte-Hélène en février 1819 et arriva à Longwood en septembre 1819. Il rentra en Europe dès le 17 mars 1821, pour cause de santé dit-on, mais reprendra rapidement ses activités de missionnaire. Il arriva à Port-Louis le 10 décembre 1828, à l’âge de…76 ans ! Fort de sa notoriété, Mgr Buonavita fut nommé vicaire de Saint-Louis de Port-Louis et recouvrit rapidement ses moyens physiques, sans doute grâce au climat de l’île. Il remplit sa mission avec énergie, jusqu’à y laisser ses dernières forces. Mgr Buonavita décéda à Pamplemousses, Ile Maurice, le 2 novembre 1833, âgé de 81 ans. Ce fut émouvant de se recueillir sur la tombe de cet homme qui a côtoyé Napoléon.

Tombe de l’aumônier de Napoléon à l’Ile Maurice. Photo: CR.
Ce fut émouvant de se recueillir sur la tombe de cet homme qui a côtoyé Napoléon. Photo: CR

5. Code Napoléon

Le Code Napoléon ou code civil, est un code juridique promulgué en mars 1804 qui regroupe les lois relatives au droit civil français. Il a été étendu à l’Isle de France en avril 1808 par un décret du Gouverneur Decaen. Cependant, malgré la prise de l’île par les Anglais, la Convention de Capitulation signée en décembre 1810 stipulait que la colonie française pouvait garder ses lois, sa langue et ses coutumes. Le français fut la langue de la Cour jusqu’en septembre 1843. Par la suite, le Code Napoléon fut modifié par diverses lois anglaises ou d’inspiration anglaise disparates, et adapté à partir de 1983 pour donner naissance au Code Civil Mauricien. L’Ile Maurice a donc hérité d’un système juridique métissé et hybride, avec le Code Civil Mauricien d’inspiration française et la Common law britannique.

Table sur laquelle fut signée la Convention de Capitulation en 1810.
Au Château du Réduit se trouve la table sur laquelle fut signée la Convention de Capitulation en 1810. Photo: CR.
La Convention de Capitulation signée en décembre 1810 stipulait que la colonie française pouvait garder ses lois, sa langue et ses coutumes. Photo: CR
Le Code Napoléon. Photo: Wikicommons.

Bibliographie :

FARRAN. S, ÖRÜCÜ, E, (2014), A Study of Mixed Legal Systems: Endangered, Entrenched or Blended, Routledge.