Elorac

La rue St Georges et moi

Rue St-Georges.
La rue-St-Georges, mythique et vivante. Photo: CR

Rue Desforges, Rue La Poudrière, Rue La Corderie. Il est de ces rues port-louisiennes mythiques et populaires. Elles appartiennent tellement aux Mauriciens, que malgré quelques changements de noms, ces rues ont gardé leurs appellations d’antan. Forgeries, fabrication de poudre à canon et de cordes pour les marins, ces noms témoignent d’autant de corps de métiers du Port-Louis maritime du 18e siècle.

Le 23 avril, nous fêtons la St Georges. La rue St Georges fait partie de ces rues mythiques, à valeur historique et patrimoniale inestimable. Cependant, ce patrimoine semble vivre ces derniers instants. Les anciennes bâtisses en pierres et en bois sont rasées pour faire place à de grandes aires de parkings ou à d’immenses immeubles en béton, sans âme ni charme. J’écris ces lignes avec une sorte d’urgence contre le temps. J’ai la sensation d’être de la dernière génération à admirer de visu ce qui reste de ces maisons et bâtiments historiques de la rue St Georges, et qui, dans un proche avenir, ne seront plus.

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’enfance, aller à Port-Louis a toujours été une fête. Mon père, qui travaillait dans un magnifique bâtiment en pierre, avait eu la géniale idée de nous y emmener, ma sœur et moi, quelque fois pendant les vacances. Cette escapade était aussi l’occasion pour nous d’aller au Musée de Port-Louis. Nous étions émerveillés devant tant d’animaux, dont un dodo et une énorme carcasse d’un gigantesque cachalot. C’est sans doute de ces moments heureux de l’enfance, que me vient cet amour pour le patrimoine architectural, les vieilles pierres et pour l’histoire en général.

Consulat de France

A l’adolescence, c’est à la rue St Georges que j’ai pu admirer ces belles bâtisses. Non pas que j’ai délibérément choisi d’aller à la rue St Georges, mais c’est plutôt la rue St Georges qui s’est naturellement invitée à moi. En effet, il fut un temps où mon père y travaillait et où mon quotidien matinal était concentré dans cette rue. Mon tonton Christian nous déposait devant la belle église de l’Immaculée Conception, et de là, chacun vaquait à ses occupations port-louisiennes.

Ex Consulat de France, rue St Georges.
Ex Consulat de France, rue St Georges. Photo: CR.

Pour ma part, c’était direction la médiathèque du Consulat de France où la jeune que j’étais empruntait quelques fois livres et magazines. J’aimais beaucoup ce bâtiment, avec son toit en bardeaux, son plancher en bois et le magnifique carrelage de la varangue. J’admirais également la magnifique balustrade en fonte qui ornait la galerie. Ce bâtiment est le parfait exemple des belles maisons créoles, telles qu’il en existait jadis de multiples à la rue St Georges. Je m’y sentais comme chez moi et je m’y étais fait des amis.

Sous la varangue de l'ex Consulat.
Sous la varangue (porche) de l’ex Consulat. Photo: CR.

Une fois jeune adulte, la rue St Georges continuait à s’inviter à mon rituel matinal. C’était le point de rammassage pour la navette qui allait me conduire au boulot. J’avais gardé l’habitude de passer au Consulat tous les matins pour papoter une dizaine de minutes, juste avant de prendre la navette. C’est lors de ces matins qui pouvaient sembler routiniers que j’ai pris le temps d’admirer les belles maisons de la rue St Georges.

St Georges, mangues et meurtre

Certes, il y avait d’abord mon « chez moi », le Consulat, mais il y avait aussi, juste en face, cette petite maison créole abandonnée, mystérieuse. Plus petite et moins pimpante que le Consulat, elle se tenait à l’ombre d’un immense manguier que l’on disait centenaire. On racontait aussi qu’un meurtre y avait eu lieu jadis. Le propriétaire de la maison aurait surpris quelqu’un qui volait des mangues et l’aurait abattu d’un coup de fusil. Je regardais donc cette vieille maison coloniale avec autant d’admiration que d’appréhension. A travers la grille d’entrée, je pouvais apercevoir un vieux fauteuil poussiéreux en rotin. Il trônait là, au milieu de la varangue où étaient jonchées pêlemêle feuilles sèches, mangues pourries et fientes de pigeons. Je m’imaginais que le propriétaire était présent, assis dans son fauteuil, fusil en main, aux aguets du voleur de rue St-Georges…

La maison-château

A quelques pas de cette maison se trouvait une autre ancienne bâtisse, mi-cachée à l’ombre de grands sapins et palmiers. A l’architecture coloniale française, cette maison à étage, avec son toit en bardeau, ses lambrequins blancs et ses immenses colonnades au rez-de-chaussée, avait de faux airs de maison-château. La splendeur d’une telle architecture témoignait à la fois de son ancienneté et de la richesse de ses premiers propriétaires. Je trouvais étonnant que cette belle maison servait de siège à une agence de publicité – un domaine symbolisant par excellence l’air du temps, le présent. De plus, je voyais souvent deux grosses cylindrées noires à deux roues dans la cour de la vieille bâtisse. Elles détonnaient. Cette sorte d’anachronisme me faisait sourire.

Ce sont celles qui ont le plus compté pour moi. Elles font toutes trois partie de mon vécu, de mon histoire à la rue St Georges. Aujourd’hui, le Consulat de France a déménagé, mais le bâtiment est toujours là, dans toute sa splendeur. La petite maison créole, fut un temps transformée en restaurant-brasserie, mais il est aujourd’hui fermé et le manguier centenaire abattu. La maison-château est quant à elle abandonnée, croulant sous le poids des siècles, et vouée à la décrépitude.

Mais il n’y a pas qu’elles. La rue St Georges recèle d’autres petits bijoux architecturaux. A valeur historique et patrimoniale inestimable, ils se font de plus en plus rares, mais ils sont encore là. Ces bâtisses de la rue St Georges ont su défier le temps, mais pour combien d’années encore…

Les belles dames de la rue St Georges. Photo: CR.
Cure de l'église de l’Immaculée Conception.
Cure de l’église de l’Immaculée Conception. Photo:CR.


Règles et développement durable

Ce 8 mars, nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes (JIF). Le thème de cette année, L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable, met en avant l’importance de faire progresser l’égalité des sexes dans le contexte de la crise climatique. Selon ONU Femmes, les femmes et les filles « participent à des initiatives de développement durable dans le monde entier, et leur participation et leur leadership se traduisent par une action climatique plus efficace. »

Ces initiatives peuvent être à toute échelle : allant du Friday’s for Future mondial de Greta Thunberg, à la femme qui décide de faire du compost au fin fond de son jardin. Dans la lutte pour un avenir durable, chaque action, aussi petite soit-elle, compte. Selon son pays, son âge, sa langue, ses moyens financiers ou sa notoriété, chacune peut agir différemment, à sa façon. Mais il y a une chose que toutes les femmes du monde ont en commun.

Il y a une chose que toutes les femmes du monde ont en commun. Crédit photo: CR.

On ne naît pas femme, on le devient, disait Simone de Beauvoir. Dans bon nombre de sociétés du monde, l’arrivée des premières règles représente CE moment, l’instant-T où l’on deviendrait femme. Longtemps tabou, il est aujourd’hui plus facile de parler des règles, car l’accès aux protections menstruelles s’inscrit, de plus en plus visiblement et explicitement, dans la lutte pour l’égalité des sexes. Par ailleurs, l’urgence climatique veut que le développement durable soit dans l’air du temps. Force est de constater que les protections menstruelles féminines se mettent également au diapason de ce développement durable.

Tampons biodégradables, cups réutilisables, serviettes menstruelles lavables, entre autres, sont autant de protections menstruelles que nous retrouvons désormais en rayons. Le principal objectif de ces produits est de privilégier la réutilisation, au profit de protections menstruelles à usage unique (la fameuse serviette dite hygiénique). Dans le long terme, ils visent à protéger notre planète en limitant la production de déchets, et à promouvoir un avenir durable.

La cup menstruelle.
La cup menstruelle, alternative à la serviette traditionnelle. Crédit photo: CR.
Les protections menstruelles se mettent au diapason du développement durable.
Des protections menstruelles biodégradables, au diapason du développement durable. Crédit photo: CR.

Alors, esprit éco-responsable ou bon filon marketing ? Certains sont sceptiques. D’autant plus que les protections menstruelles réutilisables existaient déjà de facto du temps de nos mères et de nos grands-mères. Je vous parle d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Non, il ne s’agit pas de la bohême, mais bien du temps où nos aïeules portaient littéralement des bandes de serviettes en guise de protection menstruelles. « Ces serviettes devaient ensuite être lavées plusieurs fois à la main. Elles étaient séchées au soleil afin d’être réutilisées lors des prochaines règles », se remémore Simone, Mauricienne de 67 ans. 

Comme quoi, le concept des protections menstruelles réutilisables, c’est tout simplement faire du neuf avec du vieux ! Le fameux recyclage. Comme quoi, les règles c’est le thème parfait pour illustrer le développement durable. Tellement parfait, que cela m’a poussée à tester une… culotte menstruelle. A la fois sous-vêtement et protection menstruelle, cette fameuse culotte est lavable et réutilisable à plusieurs cycles. Elle se veut être une alternative écologique aux serviettes à usage unique.

Porter une culotte menstruelle lors des règles est dans l'air du temps.
La culotte menstruelle est dans l’air du temps. Crédit photo: CR.

Confortable, discret et pas de fuite, le test à flux abondant, s’est plutôt avéré concluant. La culotte menstruelle permet non seulement de réduire les déchets, mais aussi d’alléger les dépenses dans le long terme. Dans un contexte où les protections menstruelles coûtent de plus en plus cher, ceci est un élément non-négligeable. En somme, je ne dirai pas que l’essayer c’est l’adopter, mais presque!

Et voilà, en cette Journée internationale des droits des femmes, soyons fières, parlons de nous, parlons des règles, sans honte ni tabou. Et si les protections menstruelles peuvent contribuer à L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable, alors pourquoi pas ? Vive les femmes et vive les règles !


Ile Maurice: Kaya, la légende en lecture

21 février 1999. Cela fait 23 ans que le chanteur Kaya a trouvé la mort dans des circonstances aussi mystérieuses que tragiques. Malgré les années, l’artiste reste présent dans la mémoire et dans la chair de la société mauricienne, si bien que le 21 février vient d’être décrété Journée nationale du seggae, mix entre le reggae et le sega. Des intellectuels aux artistes, chaque Mauricien s’est approprié février 1999, engendrant ainsi une production foisonnante et conférant au chanteur le statut de légende. Regards sur trois livres, visions multiples d’un Kaya multiple.

Regards sur trois livres, visions multiples d’un Kaya multiple.
Regards sur trois livres, visions multiples d’un Kaya multiple.

1. Les Jours Kaya (2000)

Les Jours Kaya de Carl de Souza, nous porte à la rencontre d’une ribambelle de personnages. Santee, Ram, Ma, Nation, des Taiwanaises, des Chinoises, entre autres. Les toponymes sont familiers : Rose-Hill, Balfour, Plaza, Trèfles, route Hugnin. Ce qui m’a frappée dans ce livre, c’est surtout son écriture, d’une traite, sans chapitres ou parties.

Février 1999, où « il se passait quelque chose d’inhabituel, quelque chose dérangeant les saisons » sert de contexte à ce roman. De Souza, d’une plume acérée et sans filtre, parle des préjugés racistes et des non-dits qui gangrènent encore la société mauricienne. «ils l’ont battu, moi je te dis qu’il était sûrement en manque, non ils lui ont éclaté la gueule, personne n’a vu, ils l’ont laissé crever, tu déconnes, ils l’ont fait à d’autres avant c’est pas le premier, c’est pas le premier Créole qui crève en prison »  

Les Jours Kaya, « ces jours sans loi, mais avec beaucoup de feu » est un roman complexe et désorientant. Il nous transporte au cœur du chaos des émeutes de février 1999. Un épisode important et dérangeant de l’histoire mauricienne qui demeure encore toutefois largement tabou.

2. Kaya, autopsie d’une légende (2009)

Ecrit par le journaliste Sedley Richard Assonne, Kaya, autopsie d’une légende, regroupe plusieurs articles de presse, des articles scientifiques, des poèmes et des interviews, tous en lien avec le seggaeman et aux tragiques évènements de février 1999. Le livre traite également du fameux concert de Rose-Hill, évènement déclencheur des jours Kaya.

Bien plus que ces articles mentionnés plus haut, c’est surtout l’avant-propos du livre qui nous touche. En effet, Assonne raconte le fil des évènements, vécu par le journaliste qu’il était alors. Du premier coup de téléphone où il apprend la mort de Kaya, à la nuit passée à dormir dans le van de l’express, aux difficultés rencontrées pour circuler dans une île Maurice embrasée, paralysée par des révoltes civiles… Le récit d’Assonne est exceptionnel. Il retraduit aussi l’angoisse, la peur et la tension qui s’étaient emparée de l’Ile Maurice en ces temps troubles.

Une fois n’est pas coutume, je finirai par le commencement. La dédicace de Kaya, autopsie d’une légende. Une litanie de noms en guise de dédicace. Et pour cause, l’auteur a dédié son œuvre « à la mémoire de tous ceux décédés en cellule policière, avant et après Kaya ». Une liste qui est malheureusement trop longue. Beaucoup trop.

3. Kaya, ant sime lamizer ek sime lamimier (2020)

La dernière œuvre que je vous présente est un excellent recueil d’articles publiés par la Créole Speaking Union. L’originalité de ces publications est qu’elles sont toutes écrites en créole mauricien. Sorti en 2020, sous la direction de Christina Chan-Meetoo, Senior Lecturer, à l’Université de Maurice, ce livre présente plusieurs facettes de Kaya.

La lecture est grandement facilitée à renfort d’extraits manuscrits de l’agenda de Kaya, ainsi que de nombreuses photos en couleur, jusque-là très peu connues. Sans surprise, nous découvrons un homme profondément philosophe, avec un regard très lucide sur le monde, la société qui l’entoure, ainsi que les maux qui gangrènent celle-ci. Les mots que Kaya écrit à son fils, alors que ce dernier était encore en gestation dans le ventre de sa mère, sont particulièrement touchants.

Kaya, ant sime lamizer ek sime lalimier propose également des analyses de certaines paroles de Kaya. Cet exercice démontre, une fois de plus, l’immense richesse littéraire, culturelle et intellectuelle des textes du seggeman. Que soit sa musique, ou ses textes, on ne peut rester insensible aux productions et aux réflexions de Kaya. Elles sont intemporelles et d’une grande profondeur.

Tous ces livres nous montrent que Kaya était un être profondément humain, avec ses défauts et ses qualités, comme nous tous. Son génie, son talent, son regard avant-gardiste sur la société mauricienne, ainsi que sa mort tragique en ont fait une légende. Que ce soit la Journée nationale du seggae ou tout autre jour, que ce soit lors d’un bœuf entre amis, ou d’évènements nationaux, Kaya s’invite toujours. Naturellement. Instinctivement.


Ile Maurice : 250 ans pour le cimetière de l’Ouest

L’année 2021 marque les 250 ans du cimetière de l’Ouest, l’un des plus vieux cimetières de l’Ile Maurice. Les rares célébrations se sont faites quelque peu tardivement, soit depuis le mois de novembre. Même si l’année 2021 arrive à sa fin, il m’est important de marquer cet évènement d’une pierre blanche. Suivez-moi pour un voyage dans le temps !

Cimetière de l’Ouest
Cimetière de l’Ouest. Photo: Elorac.

1999. Mort subite de ma tante Joyce. C’est à l’aube de l’an 2000 que l’enfant que j’étais découvre le Cimetière de l’Ouest, à Port-Louis. A cette époque, je ne réalisais pas que la plupart des pierres tombales de ce cimetière me précédaient de plus de deux siècles. Du haut de ses 250 ans, le cimetière de l’Ouest est un témoin de tout un pan de l’histoire mauricienne. Un trésor inestimable.

Stèle commémorant les 250ans du Cimetière de l’Ouest. Photo : Elorac.
Stèle commémorant les 250ans du Cimetière de l’Ouest. Photo : Elorac.

Le Cimetière de l’Ouest doit son existence à François-Julien du Dresnay, dit Chevalier des Roches ou Desroches, officier de marine et administrateur colonial français du XVIIIe siècle. Desroches fut nommé gouverneur des Isles de France et de Bourbon (actuelles Ile Maurice et Ile de la Réunion) le 22 juillet 1768. Il quitta la France en mars 1769 et arriva à l’Isle de France le 6 juin 1769. Deux des premières missions du Gouverneur Desroches, comme en témoigne le livre d’Adrien D’Epinay (1890), est l’alignement des rues de Port-Louis, ainsi que le déplacement du cimetière du centre-ville vers la périphérie.

Extrait du livre d’Adrien D’Epinay. Photo: Elorac.
Extrait du livre d'Adrien D'Epinay.
Extraits du livre d’Adrien D’Epinay (1890). Photo: Elorac.

C’est ainsi que le Gouverneur Desroches créa le cimetière de l’Ouest en janvier 1771. Depuis décembre 1772, le jardin de la Compagnie, dit de l’enfoncement – car trop marécageux, cesse d’être un cimetière.

Le Gouverneur Desroches séjourne à l’Isle de France jusqu’au mois d’août 1772. Il est succédé par M. de Ternay, qui est installé dans ses fonctions de gouverneur, le 24 août 1772. Pour la postérité, Desroches a laissé son nom à une rue de Port-Louis, mais c’est surtout le cimetière de l’Ouest qui est associé à l’ancien gouverneur de la colonie.

La rue Desroches à Port-Louis. Photo: Elorac.
La rue Desroches à Port-Louis. Photo: Elorac.

Anciennement appelé cimetière du Fort-Blanc, le cimetière de l’Ouest est toujours en activité et s’étend sur un espace de 14 arpents. Il contient près de 60,000 tombes, dont certaines des plus anciennes de l’île. D’ailleurs, c’est ce que j’aime beaucoup dans ce cimetière : son grand âge.

Déambuler au milieu de ces tombes centenaires et se dire qu’elles sont celles des premiers habitants de l’Ile Maurice, et aussi des premiers Mauriciens (premières personnes à être nées dans la colonie) procure le sentiment d’un voyage dans le temps. C’est comme un livre ouvert sur tout un pan du passé de l’Ile Maurice. Nous y trouvons de nombreuses tombes de grands tribuns, mais aussi l’héritage tangible du travail remarquable des artisans et tailleurs de pierre. Découverte en photos.

1. Les épitaphes romancées

Les épitaphes gravées dans la pierre sont les marques d’une époque. Nous découvrons, grâce à elles, la vie et le parcours de tous ces gens venus de Chandernagor, de Lorient, de Paris ou de Portsmouth. Les épitaphes du 18e, début 19e,étaient très poétiques et romancées, comme en témoignent quelques-unes de mes épitaphes préférées !

Epitaphe sur pierre tombale
Epitaphe sur pierre tombale. Photo: Elorac.
Epitaphe sur pierre tombale
Epitaphe sur pierre tombale. Photo : Elorac

2. Le travail remarquable des artisans et des tailleurs de pierre

Outre les épitaphes, ce sont bien d’autres éléments qui sont gravés en relief sur la pierre basaltique des anciennes tombes. Symboles maçonniques, bouquets ou couronnes de fleurs, ornements, têtes de mort. 250 ans plus tard, tous ces éléments en parfait état témoignent du talent et du savoir-faire des artisans et tailleurs de pierre d’antan.

Magnifique gravure dans la pierre, d'un crâne posé sur des tibias croisés, soit la fameuse « tête de mort »! Photo: Elorac.
Magnifique gravure dans la pierre, d’un crâne posé sur des tibias croisés, soit la fameuse « tête de mort » ! Photo : Elorac.
Gravure pierre-Cimetière de l’Ouest
Gravure pierre-Cimetière de l’Ouest

3. Les tombes de grands personnages

Le cimetière de l’Ouest est la dernière demeure de bon nombre de grands tribuns, ceux qui ont écrit l’histoire de Port-Louis, voire de l’Ile Maurice. Ce sont souvent de véritables monuments funéraires qui leur sont érigés en hommage, illustration, une fois de plus, du savoir-faire des artisans de l’époque. Parmi les monuments impressionnants figure celui de Sir Lionnel Smith, gouverneur de la colonie de 1840 à 1842.

La splendide tombe de Sir Lionnel Smith, gouverneur de la colonie de 1840 à 1842. Photo: elorac.
La splendide tombe de Sir Lionnel Smith, gouverneur de la colonie de 1840 à 1842. Photo: Elorac.

Prosper D’Epinay (1780 – 1856), Procureur général de Maurice, est aussi inhumé au Cimetière de l’Ouest. S’il est connu pour la lutte qu’il a menée pour empêcher la libération des esclaves sans indemnité pour les propriétaires, c’est tout de même lui, qui, en 1835, proclama le texte de loi sur l’abolition de l’esclavage. Prosper D’Epinay présenta aussi une loi permettant de corriger sur les registres de l’état civil, les patronymes de la honte infligés par des propriétaires à leurs anciens esclaves. Il est le demi-frère d’Adrien D’Epinay (1794 – 1839), dont la statue est au jardin de la Compagnie.

Prosper D'Epinay proclama le texte de loi sur l’abolition de l’esclavage en 1835. Photo: Elorac.
Prosper D’Epinay proclama le texte de loi sur l’abolition de l’esclavage en 1835. Photo: Elorac.

La tombe de Charles Henry Leal (1829 – 1883), journaliste et rédacteur en chef de La Sentinelle, est aussi un très beau monument. Aux côtés d’autres grands noms de l’île tels que Remy Ollier, Evenor Hitié et Onésiphe Beaugeard, Charles Henry Leal est de ceux qui ont âprement lutté pour l’émancipation des gens de couleur. Fin polémiste, il aura contribué à défier les monopoles de l’époque et à jeter les bases de la liberté d’expression à l’Ile Maurice!

Charles Henry Leal journaliste et rédacteur en chef de La Sentinelle
Charles Henry Leal journaliste et. rédacteur en chef de La Sentinelle
Photo: Elorac.
Photo: Elorac.

Référence

D’EPINAY, Adrien (1890) : Renseignements pour servir à l’histoire de l’Île de France jusqu’à l’année 1810, inclusivement; Nouvelle Imprimerie Dupuy.


Quand j’ai osé lire J.M.G Le Clézio

Ce qui reste de la sucrerie d’Alma. Photo: Elorac.

Jamais. Je n’avais jamais osé lire J.M.G Le Clézio. Trop. Il était trop d’ici et trop d’ailleurs. A la fois trop Mauricien, mais pas assez Mauricien. En plus, prix Nobel de littérature 2008, laisse tomber, trop compliqué. Bref. Une sorte d’interdit pour moi. Mon tonton Pascal, grand lecteur de Le Clézio, parlait pourtant de ses livres. Et puis, il y avait surtout cette chanson de Sylvie Vartan, Je n’aime encore que toi, avec son Le Clézio dans les paroles, qui m’empêchait d’oublier Johann, la belle allée de palmiers, la cabane aux Manguiers de Rose-Hill, Hurlevent le campement de Poste-Lafayette avec son toit de chaume, Léa et Lucie, les deux saucisses sur pattes. La chanson de Vartan, pourtant belle, ne faisait que remuer le couteau dans la plaie de mon jeune cœur tout neuf. Donc Le Clézio, très peu pour moi.

Puis il y a eu ce fameux samedi où nous avons pris la voiture. C’est le mois de février, Grandad, Samarianzla et moi roulons par un bel après-midi ensoleillé. Les champs de cannes verdoyants nous ouvrent les bras, le ciel bleu immaculé fait un bien fou au moral. Nous avançons tous les trois, nous admirons, nous explorons. C’est la joie ! J’ignore combien de temps durera le trajet. J’ai donc pris une boîte de biscuits salés au cas où nous aurions un petit creux. Toutefois, c’est sûr que nous achèterons des rôtis, des gâteaux piments et des dipain frir si nous en trouvons pas loin. On ne sait toujours pas où ça se trouve, ni quand on arrive, mais on y va.

Puis nous la voyons au milieu d’une sorte de forêt ! Tel un hamac géant tendu entre les énormes troncs de deux sapins, une gigantesque banderole blanche avec une impressionnante flèche noire. Il n’y a plus qu’à la suivre !

Pire que Port-Louis

Sauf que tout le monde a eu la même idée. Une fois un pont en pierres bordé de bambous et de grands arbres franchi, nous entrons dans une petite route bouchonnée. Une file interminable de voitures stagnent devant nous. La route est étroite. Je veux faire demi-tour. C’est trop petit, trop rempli, trop d’embouteillages. Pire que les rues de Port-Louis. Trop tard, je ne peux pas reculer, une voiture attend derrière moi. Je n’ai plus qu’à ronger mon frein. Les gens sont partout, ils traversent le pont, arrivent en groupes, tel des troupeaux de cabris menés à paître. Ils viennent du Nord, ils viennent du Sud. Je réalise qu’il y a deux entrées. Je n’arriverai pas à sortir d’où je suis entrée, car ce que je pensais être une sortie est aussi une entrée. Bref. Je m’impatiente dans la voiture. Patienter une heure, deux heures, trois, quatre, quarante heures peut-être.

Quarante-heures, c’est sûr. Toutes ces personnes, avec leurs bougies, leurs fleurs, leurs douleurs, leurs espoirs, leur foi, sont venues pour prier, panser. Elles sont les brebis. J’en suis une aussi. On a pu quitter la voiture en bordure de route, et nous refaisons le trajet à pied. Grandad, Samarianzla et moi traversons le vieux pont, nous admirons la forêt, la verdure, les grands arbres. Nous suivons le troupeau : devant nous une immense file qui serpente à travers les plantes et les voitures. A notre tour de faire la queue, comme tout le monde. J’ai tellement hâte d’entrer dans la petite chapelle Sainte Jeanne d’Arc. J’aime ce nouvel endroit, je m’y sens bien.

La petite chapelle où tout a commencé. Photo: Elorac.
La petite chapelle où tout a commencé. Photo: Elorac.

On avance petit à petit. La file derrière moi s’allonge. J’entends une conversation entre deux hommes par-dessus mon épaule. Dos tourné, je les épie. L’un deux a une très belle voix. « Ah ben quelle nouvelle ? Ça fait longtemps. Oui, longtemps hein. Tu es toujours à l’usine ? Non ça fait quelques années déjà, on a quitté. Et puis la propriété a fermé. Mais je suis toujours impliqué dans la chapelle. J’ai grandi ici, je peux pas partir. Ayo oui, en plus ton papa était déjà ici avant. En tout cas, un grand succès ces quarante-heures, hein, ya beaucoup de monde aujourd’hui. Allez à bientôt. Bon carême, embrasse la famille. »

Racontez-moi Monsieur

Je meurs d’envie de me retourner, de lui dire, attendez ! Racontez-moi Monsieur. Racontez-moi votre enfance ici, votre vie sur la propriété au zénith. C’est tellement beau, vous avez tellement de chance. Racontez-moi 1947, la cheminée, l’usine, la coupe, les ouvriers, les patrons, les tonnes de sucre, le bus de la propriété, le travail dans les champs, les fêtes au club house, les fruits, les légumes, les habitations, les salaires, les voisins, les interdits, les amours, les gens, la vie. Les ruines d’anciennes sucreries en déshérence m’obsèdent. J’aimerais tellement découvrir ce temps où le sucre donnait le la. Racontez-moi ! Trop tard. La file a avancé. C’est à mon tour d’entrer dans la belle petite chapelle. Je prie, j’imagine sa vie dans ses lieux. J’essaie de me concentrer dans ma prière, mais mon imagination vagabonde de plus belle.

Racontez-moi 1947. Photo: Elorac.

C’est ce jour qu’Alma est venue à moi. Bizarrement, je me suis dit, ça y est, je suis enfin prête à lire un Le Clézio. Oubliés les Joh, les Vartan, les je n’aime encore que toi. Avec le temps, mon cœur avait réalisé qu’il pouvait cicatriser et aimer. Portée par l’enthousiasme du samedi verdoyant, j’ai lu le roman en deux jours. 338 pages à suivre Dodo, Jéremie et les autres, à parcourir mon île de siècles en siècles, de long en large, de La Louise au cimetière Saint-Jean. Tout m’est familier : les lieux, les langues, les personnages, leurs blessures, leurs quêtes. Lit-on Alma de la même manière si l’on est Mauricienne, New Yorkaise ou Sénégalaise ? Que l’on soit d’ici ou d’ailleurs ? Je ne crois pas, car les résonnances mauriciennes y sont puissantes. Par exemple, comment ne pas sourire en rencontrant le cher Père Chausson sur les flancs de Marie-Reine-de-la-Paix avec les SDF. Les Mauriciens auront la référence, les autres pas.

Dodo et Le Clézio

Vous l’aurez compris. Ce roman m’a bouleversée, tant dans l’écriture que dans le parcours des personnages. Et que dire de notre dodo ? J’ai ressenti une grande tristesse en lisant les passages sur la chute et l’extermination de notre emblématique oiseau. Cette tristesse, je l’avais déjà ressentie une fois, au milieu de la foule du Museum d’histoire naturelle de New York, alors que j’y vivais. Voir ce squelette de dodo, dans sa double cage vitrée, en plein cœur de Manhattan, m’avait émue. C’était la première fois que je contemplais un squelette de dodo dans son intégralité. To enn Morisien twa. Me dire qu’il était né sous les mêmes tropiques que moi, qu’il avait foulé les mêmes terres mauriciennes que moi, vu les mêmes chaînes de montagnes que moi. Tout cela m’avait bouleversée jusqu’aux larmes. Et soudainement, on se retrouvait là. Lui et moi, en face à face, à Manhattan, après plusieurs siècles et à des milliers de kilomètres de notre Ile Maurice natale.

Ce roman m’a bouleversée. Photo: Elorac.
Ce roman de Le Clézio m’a bouleversée. Photo: Elorac.

Dodo. Doooo dooooo. On ne peut rester insensible au sort réservé au dodo et à Dodo. C’est sans doute là tout le talent de Le Clézio dans Alma, susciter autant de familiarité et d’émotion chez ses lecteurs. Il touche aussi à l’essence même de l’Ile Maurice : à sa genèse, au sacro-saint sucre, aux injustices, au racisme, aux préjugés bien tenaces, à la langue créole, aux lieux et à la toponymie de mon quotidien, au tourisme de masse et à ses dérives, au bétonnage à outrance de l’île, à la frénésie des centres commerciaux. Voilà pourquoi j’ai adoré ce livre. Certes, il s’agit d’un roman, avec sa part de mythe et de fantasme, mais il parle de l’Ile Maurice d’une façon vraie et sincère.

Fantasme et fantôme

En parlant de fantasme, saviez-vous que les termes fantasme et fantôme ont la même étymologie ? Ils viennent du latin phantasma, qui signifie apparition, vision, image offerte à l’esprit. Fantôme s’écrivait même fantosme au XIIe siècle. Je vous raconte cela car j’ai trouvé une ancienne tombe de la famille Le Clézio au hasard, en me baladant au vieux Cimetière l’Ouest à Port-Louis. « Famille Leclézio », c’est tout, aucune autre inscription. Les dernières lettres du nom « Leclézio », gravées dans la pierre y étaient à demi effacées. Mais devant la tombe se trouvaient aussi quelques petits morceaux de corail.

Télescopage de la réalité et de la fiction. C’est peut-être le fantôme de Dodo qui vient au Cimetière de l’Ouest tous les jours, pour écrire, ré-écrire ce nom, comme il le fait pour ses parents Fe’sen Coup de Ros. Coup de corail. Tenter de blanchir cette pierre millénaire, non pas à la craie, mais au corail de son île. De récifs en récits, à l’infini.

Dodo es-tu là? Le fantôme viendrait ici tous les jours. Photo: Elorac.
Dodo es-tu là? Le fantôme viendrait ici tous les jours. Photo: Elorac.


Le cimetière de l’enterrenet

Halloween, fête de la Toussaint, fête des morts. En ce 2 novembre, bon nombre de pays commémorent les défunts. C’est l’occasion de rendre hommage à ceux qui nous ont quittés et de fleurir les tombes de nos proches disparus. Les cimetières étaient jusqu’aujourd’hui l’ultime demeure des morts. Mais ces deux dernières décennies ont changé les choses, les morts connaissent désormais un autre cimetière : internet.

Permettez-moi tout d’abord d’implorer votre indulgence. Pourquoi ? Parce que je m’apprête à évoquer un thème difficile, délicat et douloureux : la mort. La perte d’un être cher est toujours une épreuve, il y a un avant et un après. De nombreuses personnes endeuillées trouvent le courage d’avancer en allant régulièrement se recueillir sur la tombe de leur proche au cimetière, lieu de tous après la mort.

Les cimetières, lieux de l'entre-deux, sont toujours fascinants.
Les cimetières, lieux de l’entre-deux, sont toujours fascinants. Crédit photo: Elorac.

Le cimetière fascine car il représente l’entre-deux : la frontière entre la vie et la mort, entre le passé et le présent, entre les êtres de chair et les êtres de poussière. Les cimetières nous ramènent inexorablement à notre condition humaine. Qui que nous sommes, nous repartirons tous vers la terre. Avec leurs tombes de toute sorte et de tous les siècles, les cimetières racontent la grande Histoire et l’histoire de chacun. Le portrait d’un couple pâlit par le temps, l’épitaphe d’un fils éploré gravée dans la pierre, la sculpture lézardée d’un grand tribun, un marbre noircit par les siècles… les cimetières regorgent de richesses historiques et anthropologiques. Ils nourrissent aussi l’imaginaire et l’imagination, car ils étaient jusqu’à tout récemment l’ultime demeure des morts.

Mais depuis bientôt deux décennies, un autre genre de cimetière a vu le jour. Il s’appelle le cimetière de l’enterrenet, et contrairement aux nécropoles classiques, il est toujours vivant et ne dort jamais. De plus, nul besoin de se déplacer pour se rentre au cimetière de l’enterrenet, car il est partout et nulle part à la fois. Du bout des doigts, un simple clic et on y est. Autres avantages, les portraits n’y palissent jamais, les épitaphes sont modifiables à souhait, les sculptures sont incassables et le marbre d’une blancheur éternelle. Outre les fleurs, les cœurs, les emojis larmoyants et les #RIP y sont légion. Vous l’aurez compris, ce cimetière d’un nouveau genre, c’est internet.

Quand l’internet deviendra un vaste cimetière

Tout comme le cimetière, l’internet est un entre-deux : frontière entre le tangible et l’intangible, entre le vrai et le faux, entre l’ici et l’ailleurs, entre l’humain et l’intelligence artificielle, entre le réel et le virtuel. Depuis près de vingt ans, chacun documente en ligne sa petite vie, à grand renfort de selfies, de photos et de vidéos en tout genre. Chacun poste, commente et like aussi l’existence des autres, ou du moins, la vie d’autrui telle qu’elle paraît en ligne. Nos productions quotidiennes, aussi banales et futiles soient-elles, constituent une richesse historique et anthropologique inestimables pour les générations futures. Nous sommes la première « génération » à ainsi chroniquer notre vie en ligne, essentiellement sur les réseaux sociaux. Nous serons aussi la première « génération » à reposer au cimetière de l’enterrenet.

Que se passera-t-il donc quand l’internet deviendra un vaste cimetière ? Il adviendra fatalement un jour où la plupart des comptes et profils aujourd’hui actifs seront ceux de défunts. Malheureusement, certains ont déjà franchi le pas et sont passés de vie à trépas. La « tendance » (navrée d’utiliser ce mot dans ce contexte) veut que c’est avec un certain voyeurisme que les derniers posts, photos et vidéos du défunt sont repris, analysés, likés, commentés et aussi diffusés en boucle par les médias quand le défunt est une célébrité. Au vu de ses dernières publications, la personne avait-elle senti la mort venir ? Avait-elle laissé des traces ou des indices ? La grande faucheuse était-elle invitée ou était-elle venue par surprise ? Pouvait-on prévoir ?

Ma tombe préférée, figée dans le temps. Crédit photo: Elorac.

Outre le cimetière de l’enterrenet lui-même, la relation en ligne avec le désormais défunt est délicate et subjective. Archiver le compte ? Le supprimer ? Cesser de suivre les comptes du défunt ? Effacer les conversations ? Supprimer les numéros de téléphone ? De nombreuses personnes préfèrent laisser les choses telle qu’elles sont, figées dans le temps, car supprimer les conversations ou numéros, serait comme si la personne mourait une seconde fois. D’autres individus éprouvent du réconfort à revoir les photos et vidéos, à relire régulièrement les ultimes conversations partagées avec un proche disparu. Une nouvelle façon d’effectuer le travail douloureux, mais au combien essentiel, du deuil. Tout comme le cimetière, l’enterrenet a ici le pouvoir magique et fascinant de nous rapprocher de ceux qui sont passés de l’autre côté et de faire revivre les souvenirs heureux.

J’écris ces lignes aujourd’hui en 2021. J’ignore ce qu’il adviendra de ce billet en 2121. Les années passent et le monde change… Personnellement, j’aurais adoré visionner un tuto beauté millénaire sur la chaîne Youtube de la légendaire Cléopâtre !

Les tombes ancestrales du cimetière de Bigara. Crédit photo: Elorac.


De la diplomatie et des médias

Diplomatie d’influence, diplomatie du vaccin, diplomatie scientifique, tensions diplomatiques. Ces derniers temps, nous avons beaucoup entendu le terme « diplomatie », notamment à cause d’AUKUS et de la « crise des sous-marins », déclenchée par une conférence de presse d’un autre genre. La maîtrise des moyens de communication de masse est étroitement liée à la diplomatie. Entre information et influence, les médias sont plus que jamais des outils de soft power.

Capture d’écran du lancement d’AUKUS, en direct sur internet.

AUKUS. Voilà un mot comme les médias les aiment. Aguicheur et simple, ce portemanteau de AU (Australie), UK (Royaume Uni) et US (États-Unis d’Amérique) à l’efficacité redoutable, marque les esprits. Ce beau bébé a envoyé son premier sourire au monde, en direct, lors d’une conférence de presse de l’ère Covid-19 diffusée à la planète entière sur Internet. De leurs pays respectifs via écrans interposés, le Premier ministre australien Scott Morrison, le Premier ministre britannique Boris Johnson et le Président étatsunien Joe Biden ont dévoilé AUKUS – leur alliance militaire tripartite qui vise à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indopacifique, région qui s’étend des côtes orientales de l’Afrique jusqu’aux États insulaires du Pacifique.

Les trois chefs d’Etat ont pris la parole à tour de rôle, justifiant la création d’AUKUS et réaffirmant leurs valeurs communes de liberté et de démocratie. Selon Scott Morrison, « le monde est devenu beaucoup plus complexe, spécialement dans la région Indopacifique » et « le future de cette région impactera sur le futur de l’Europe et des Amériques ». Joe Biden a affirmé que les trois pays embarquent dans « une mission stratégique contre les menaces du 21e siècle », et visent à assurer plus de paix, de sécurité et de stabilité à la région Indopacifique. Tout comme Morrison, il a rappelé que l’avenir du monde dépend d’une région Indopacifique « libre et ouverte ». Pour Boris Johnson, le premier chapitre d’AUKUS est d’aider l’Australie à acquérir des sous-marins nucléaires – qui seront de technologie étatsunienne et déployés par la Navy britannique. Ces sous-marins aideront l’Australie à construire un monde de paix et d’opportunité pour tous les peuples de l’Indopacifique, s’est enthousiasmé Joe Biden.

Capture d’écran du lancement d’AUKUS, en direct sur internet.

Or c’était la France qui était censée vendre des sous-marins à l’Australie. C’est ainsi qu’est née une crise diplomatique majeure entre l’Hexagone, les États-Unis et l’Australie, soit la « crise des sous-marins ». La machine médiatique s’est emballée aussi vite que la crise diplomatique elle-même. L’ère de l’instantanéité de l’information est à son apogée. Nous avons suivi chacune des étapes de la crise au jour le jour : colère de la France, relations diplomatiques qui se tendent, ambassadeurs de France rappelés, appels Macron-Biden, échanges Le Drian-Blinken, retour des ambassadeurs, apaisement. Comme dans un feuilleton, nous avons eu droit à un vrai schéma narratif : situation initiale, élément perturbateur, péripéties, éléments de résolution, situation finale.

Le dévoilement d’AUKUS et la crise des sous-marins, illustrent les rapports privilégies qu’entretiennent médias et diplomatie internationale. Nous sommes ici en pleine diplomatie de l’influence. Dans son livre Géopolitique des médias, acteurs, rivalités et conflits, Philippe Boulanger, professeur des universités à l’Institut français de géopolitique, explique que « L’influence est le socle de la diplomatie où l’Etat est un décideur pivot parmi un éventail d’acteurs (organisations non-gouvernementales, acteurs privés et entreprises) (Racouchot,2012) ». Pour sa part, le politologue Joseph Nye estime, dans son ouvrage Bound to Lead, que l’influence peut se révéler plus efficace que le « hard power » (le pouvoir dur, qui repose sur l’utilisation des forces militaires, des techniques et de la finance). En matière de politique étrangère, il est donc indéniable que la maîtrise des médias est essentielle pour une diplomatie de l’influence réussie. Les États en ont besoin pour étendre leur influence, accroître leur domination culturelle et géopolitique.

Diplomatie et équilibres géopolitiques en recomposition

Avec sa position géographique et son vaste territoire maritime, l’Ile Maurice représente un point stratégique de l’Indopacifique, et se trouve au cœur des équilibres géopolitiques en recomposition. La base étatsunienne de Diego Garcia et les travaux effectués par l’Inde à Agaléga démontrent que les territoires maritimes mauriciens ont suscité, et suscitent toujours, bien des convoitises internationales, tant les enjeux économico-militaires sont cruciaux et en mutation. Outre les États-Unis, la Chine cherche également à se positionner dans cet espace dynamique qu’est l’Indopacifique. C’est bien ce que compte contrer AUKUS. Par ailleurs, il n’est un secret pour personne que les États-Unis et la Chine sont engagés dans une compétition stratégique mondiale, qui dépasse largement le cadre indopacifique.

Par ailleurs, la Chine a célébré sa Fête nationale, le 1er octobre. À cette occasion, une double page d’un quotidien mauricien à grand tirage a été consacré à l’Empire du Milieu. Avec la montée en puissance de la diplomatie publique, les médias resteront pour longtemps au cœur des jeux d’influence et de rivalité entre États. Au-delà de la diplomatie de l’influence, que penser de la diplomatie du publi-reportage ?

Entre information et influence, les moyens de communication de masse sont étroitement liés à la diplomatie.
Que penser de la diplomatie du publi-reportage ?


Île Maurice : quand le sucre se met à table

Usines, gâteaux doux, vastes champs de cannes. Le sucre fait partie du quotidien et du vécu collectif des Mauriciens. La culture de la canne à sucre et l’industrie sucrière constituent la genèse de l’Île Maurice. Elle a façonné la société mauricienne, avec ses injustices et ses passions. Aujourd’hui encore, le sucre se réinvente et se met A Table, pour mieux séduire. 

Champs de cannes à sucre :-)
Champs de cannes à sucre 🙂

« La canne à sucre, son parcours et son devenir ». Tel était le thème de la récente édition du cycle de conférences A table avec, qui s’est tenue la semaine dernière. Jean-Claude Autrey, Secrétaire général de l’International Society for Sugar Cane Technologists et Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Syndicat des sucres, étaient les conférenciers du jour. Tour à tour, ils sont revenus sur l’histoire de la canne à sucre à l’Ile Maurice, sur les défis auxquels fait face l’industrie sucrière et sur ce qui pourrait être son avenir. 

C’est en 1639 que les Hollandais ont introduit la canne à sucre à l’Ile Maurice, de Java. A partir de 1680, la production de l’arack se diffuse au sein de la colonie. L’arack est une eau-de-vie tirée de la distillation de la canne à sucre. En 1710, ce sont 6000 L d’arack et 1000 kg de sucre qui sont produits. Ces chiffres peuvent sembler dérisoires en comparaison avec l’ampleur que prendra la culture de la canne à sucre sous la colonisation française. 

En effet, sous l’impulsion du Gouverneur Mahé de Labourdonnais, l’étendue des terres mises sous culture de canne à sucre ne cesse de s’accroître. En 1789, il y a dix usines et 1000 arpents de canne à sucre. Ces chiffres passeront à 80 usines et 10 000 arpents au début des années 1800, et d’autres cultures s’ajouteront à celle de la canne à sucre, notamment celles du manioc, du café, du maïs, du blé et du coton. C’est ainsi que l’Isle de France prospéra.   

La prise de l’île en 1810 par les Britanniques ne changera rien à l’essor de la culture de la canne à sucre. Bien au contraire, le taux de production de sucre ira crescendo, avec pas moins de 456 691 tonnes de sucre produites en 1959 ! La période britannique verra aussi la création de plusieurs institutions de recherche agronomique. En voici quelques exemples : la Chambre de l’agriculture créée en 1853, la Station Agronomique en 1890, le Mauritius Sugar Syndicate en 1919, le Mauritius Agricultural College en 1923 et le Mauritius Sugar Industry Research Institute (MSIRI) en 1953.

Sucre et centralisation

Depuis l’indépendance du pays en 1968, la production de sucre a atteint des nombres astronomiques, avec un record de 706 839 tonnes produites lors des années 1970. Cependant, ce chiffre est en déclin depuis les années 1990, notamment à cause de la fin de l’accès à certains marchés à des taux préférentiels, mais aussi à cause d’un manque de compétitivité. En effet, de nombreux autres pays comme le Brésil ou l’Inde ont un coût de production nettement inférieur à celui de l’Ile Maurice.  

En conséquence, des régimes de retraite anticipée volontaire (voluntary retirement scheme – VRS) ont été établis pour les employés de l’industrie sucrière et de nombreuses usines ont mis la clé sous le paillasson. Quand à celles qui ont continué à opérer, elles se sont ensuite progressivement regroupées. Avec la centralisation, il ne reste aujourd’hui à l’Ile Maurice plus que trois usines sucrières en opération : Terra, Alteo et Omnicane. 

Cependant, même si certaines usines n’opèrent plus en tant que productrices de sucre, elles n’en demeurent pas moins toujours actives dans le paysage économique local. En effet, pour ne pas disparaître, ces établissements ont du diversifier. Elles se sont donc tournées vers d’autres secteurs : hôtellerie, immobilier de luxe, création de centres commerciaux, de villages universitaires, et récemment, de « smart cities ». Cette diversification a si bien réussi que certaines usines se sont graduellement métamorphosées en puissants conglomérats, opérant dans tous les principaux secteurs économiques du pays. 

Outre les usines, une autre catégorie de producteurs de sucre est aujourd’hui menacée de disparition : il s’agit de ce que l’on appelle à l’Île Maurice les petits planteurs. Ces derniers sont des propriétaires de petites parcelles de terre sur lesquelles ils cultivent de la canne à sucre. Selon les conférenciers, ces planteurs font face à deux défis. D’une part, une main d’œuvre vieillissante, et d’autre part, la culture sur de petites parcelles de terre ne peut être mécanisée. Pour être efficace et rentable, la mécanisation doit se faire sur de vastes étendues. Face à ces défis, les petits planteurs doivent se réunir pour ne pas disparaître.

Demerara, muscovado, low gi

Vieille d’une existence de près de 300 ans, l’industrie sucrière à l’Ile Maurice est désormais appelée industrie cannière. Même si on parle de diversification et de réinvention, le cœur de cette industrie demeure la production de sucre. C’est ainsi que l’industrie, en quête d’un nouveau souffle, mise aujourd’hui sur la production et l’importation de sucres spéciaux. Cette appellation regroupe des sucres peu raffinés, avec une forte teneur de jus de canne et de mélasse, d’où leur couleur foncée. Quelques exemples sont la vergeoise (demerara ou cassonade) et le muscovado. Outre les sucres spéciaux, le Syndicat des sucres surfe aussi sur la tendance santé et bien-être. Il propose des sucres à faible indice glycémique (low GI) destinés aux diabétiques de l’Ile Maurice et d’ailleurs. 

Sucres aux faible taux glycémique ou riche en antioxidants, le sucre mauricien surfe sur la tendance santé bien-être
Sucres au faible taux glycémique ou riche en antioxydants, le sucre mauricien surfe sur la tendance santé bien-être.

Mais avant de s’exporter, ces sucres spéciaux se sont invités à table, pour un menu aux saveurs mauriciennes sucrées salées. Pour moi qui avais fait un plaidoyer pour « mauricianiser » ce qui vient de l’Ile Maurice, on peut dire que j’ai été servie ! De l’entrée au dessert, tous les plats étaient construits autour du sucre. Laquage à la mélasse, braisage au muscovado brun, dessert au muscovado clair, il y en avait pour tous les sucres ! Pour ma part, mention spéciale pour la saumurade de saumon, salade de quinoa et vinaigrette au fangourin. Un véritable délice !

Avant de s’exporter, les sucres spéciaux se sont invités à table, pour un menu aux saveurs mauriciennes sucrées salées.

 

Saumurade de saumon
La saumurade de saumon au fangourin, un vrai régal ! 🙂


Ile Maurice: les Salines au soleil

Ce 17 août 2021, le célèbre poète mauricien Robert Edward Hart aurait fêté ses 130 ans. Si sa demeure de Souillac, La Nef, est très connue, il en est moins pour le jardin Robert Edward Hart, communément appelé le jardin des Salines. En hommage au poète, suivez-moi pour une escapade aux Salines!

« N’y va pas! Il y a des drogués là-bas désormais. C’est dangereux. » Voilà ce que j’ai souvent entendu quand j’ai dit que je me rendais au jardin des Salines. Heureusement que je n’ai pas écouté ces clichés et préjugés, car je serai passée à côté d’un véritable petit paradis verdoyant, au cœur de Port-Louis, la bouillonnante capitale de l’Ile Maurice. Le jardin est beau! De majestueux palmiers royaux dressent une magnifique perspective sur la montagne du Pouce. L’ombre des grands arbres centenaires invite au calme et à la détente.

Perspective de la Montagne du Pouce vue des Salines.

Commençons par un petit voyage dans le temps. Le jardin des Salines tient son nom des anciennes salines qui s’y trouvaient. Nous les devons à Jean Dominique Michel de Caudan, né au Langedoc, en France, en 1700. Saunier de métier, il arriva à l’ancienne Isle de France en mai 1726, et aménagea des salines, les premières de l’île, au sud-ouest de Port-Louis. Jean Dominique Michel de Caudan est entré dans la postérité. Outre le quartier et le jardin des Salines, il a laissé son nom à un pan du front de mer port-louisien, aujourd’hui appelé Le Caudan Waterfront, et au quartier du Caudan.

Le jardin des Salines est un lieu chargé d’histoire. Nous y trouvons bon nombre de stèles et de monuments à la mémoire de personnalités ou d’évènements emblématiques de l’histoire de Maurice. La stèle érigée à la mémoire du Dr Horace Beaugeard, décédé de la variole en 1883, alors qu’il était au service de la quarantaine à l’Ilot Gabriel, m’a beaucoup interpelée. Et oui, à l’époque, les quarantaines se faisaient sur des ilots outremers et non dans des hôtels cinq étoiles comme aujourd’hui, à l’heure du Covid19. Avec le nombre de contaminations au Covid19 qui ne cesse de grimper à l’Ile Maurice, il m’était impossible de ne pas faire le parallèle entre ces deux crises sanitaires…

Stèle en mémoire du Dr Beaugeard.
Monument dédié à Guillaume Dufresne d’Arsel.

Autre monument que j’ai beaucoup aimé : celui qui est dédié à Guillaume Dufresne D’Arsel, Commandant de la marine française qui débarqua à Port-Louis en 1715. Cet événement lancera la première vague de peuplement et de développement de la future Ile Maurice. Avec ses influences françaises, il est étonnant de constater que le jardin des Salines a aussi un petit côté… russe! En effet, l’une des allées du jardin se nomme Allée Yuri Gagarin et bon nombre de visiteurs sont surpris de voir les visages de Lénine et de Pushkin en plein cœur de Port-Louis.

Impossible de passer à côté de cet imposant buste de Lenin.
Statue de Pushkin aux Salines.

Toutefois, ce côté ouvert et rassembleur sied parfaitement à l’ADN du jardin. En effet, le jardin des Salines a longtemps été le lieu favori de rencontre, de socialisation et de détente des Port-louisiens et des Mauriciens de tous bords. Aussi appelé Pleasure Ground, le jardin offrait jadis une belle promenade ornée de canons, longeant la mer, avec une vue imprenable sur la rade.

Vestige de l’ancien Pleasure Ground où les canons donnaient autrefois sur l’océan. Ce qui fut jadis la rade a été comblé pour la construction du Bulk Sugar Terminal.

Nou ti vinn assisé

Jagdev, 67 ans, garde beaucoup de bons souvenirs du jardin. “Nou ti al là-bas, ti bon, un bon coin pour se détendre. A l’époque, il n’y avait pas le Bulk Sugar Terminal ek ti éna enn ti la boutik, enn tavernn pa loin. Nou ti pren enn verre ek gajaks, le bon vieux temps. Pa ti éna oken différence ou préjugés kouma zordi. Bann zenn ti pe dir “Ma, nou pe al ek tonton pou al prend l’air Champ de Mars ek les Salines”. Nou tou ti vinn assisé, nou ti vinn kozé, pren l’air. Li ti extra ”, se remémore t-il, avec nostalgie.

Nou tou ti vinn assisé, nou ti vinn kozé, pren l’air. Li ti extra.

Malheureusement, il se peut que ce havre de paix soit bientôt chose révolue. Avec le projet Les Salines Waterfront, le quartier des Salines sera bientôt appelé à se métamorphoser en une tourbillonnante smart city, avec espaces bureaux, commerciaux, loisirs et résidentiels.

Pour ma part, c’est certain que j’aurais préféré le Pleasure Ground d’antan, avec sa vue sur la rade. Mais j’apprécie aussi ce jardin, tel qu’il est aujourd’hui, et pour tout ce qu’il représente. J’aime ce jardin des Salines, à fleur de sel, à fleur d’histoire.


New York : ma Statue de la Liberté

Happy July 4th! A l’occasion de la fête nationale des Etats-Unis d’Amérique, la France a envoyé un modèle réduit de la Statue de la Liberté à Ellis Island, New York, où elle sera exposée jusqu’au 6 juillet. La statue sera ensuite acheminée vers l’Ambassade de France à Washington, où elle sera dévoilée le 14 juillet. Suivez-moi pour une visite, non pas du modèle réduit, mais bien à l’unique et emblématique Statue de la Liberté!

Statue de la Liberté_Liberty_Oui_New York_Mondoblog

Qui n’a jamais rêvé de visiter la Statue de la Liberté à New York? Et pour cause, classée New York City Landmark et National Monument, elle est l’un des monuments les plus populaires de la planète. Lady Liberty représente aussi l’un des incontournables pour tout New Yorkais et pour chaque visiteur de passage à la Grosse Pomme. Chacun en emporte une petite part en soi, tant l’expérience est magique ! Ma Statue de la Liberté à moi représente la joie, l’aventure, l’excitation, un voyage dans les pas de l’Histoire.

Pour y aller, direction le fameux Financial District au sud de Manhattan, à quelques blocks de Wall Street! En partant de l’Upper East Side, direction les lignes 4 ou 5 Downtown, arrêt à Bowling Green. Avec son long couloir au carrelage rouge et sa magnifique sortie, Bowling Green est l’une de mes stations préférées de Manhattan. Une fois dehors, le verdoyant Battery Park grouillant d’écureuils, s’offre à nous, sur les rives de la rivière Hudson. Avec ce cadre, on prend une véritable bouffée d’air frais, ce qui change des gratte-ciels du Midtown new-yorkais. On ressent comme une envie de pousser plus loin vers le large.

Validé mon ticket. Vue du haut de la Statue direction l’Atlantique, le dos tourné à New York 🙂
La traversée en ferry de Manhattan :-)
La traversée en ferry de Manhattan 🙂

Traversée en ferry

Et au loin que voit-on? La Statue de Liberté! Ehé, mais pas si vite, car avant d’y aller, il y a un petit parcours obligatoire! Une fois le ticket validé, nous passons par la case sécurité, où tous les sacs et effets sont passés au détecteur de métal. Il s’agit exactement du même protocole appliqué avant d’embarquer à bord d’un avion : enlevez les ceintures, sortez les clés, les téléphones portables et tablettes, etc. Les files sont extrêmement longues, avec une foule immense. Cependant, heureusement que les New Yorkais sont bien organisés et font les choses en grand! Du coup, pas de temps d’attente. Dès que les contrôles de sécurité passés, place au ferry!

La traversée en ferry, de Manhattan à Liberty Island, est l’une des étapes que je préfère. Elle nous offre une vue exceptionnelle sur le sud de Manhattan. A bord du ferry, l’excitation et l’enthousiasme de tout un chacun est palpable! Tous parlent des langues différentes, et tous n’ont qu’une envie: visiter la Statue de la Liberté. Pour moi, cette simple traversée entre Manhattan et Liberty Island me donne l’impression de voguer dans l’Histoire. Et que dire lorsque le ferry accoste l’île? C’est compliqué d’expliquer toute l’émotion ressentie lorsque j’y ai débarqué pour la première fois. Incroyable! Voire cette géante en cuivre patiné, cette Liberté éclairant le monde depuis 1886, ce témoin privilégié de l’Histoire. C’est juste indescriptible!

Rencontrer enfin la Statue de la Liberté! Un moment indescriptible!
Rencontrer enfin la Statue de la Liberté! Un moment indescriptible!
Eté comme hiver, la visite à la Statue de la Liberté est toujours unique Vue sur la Statue et sur le sud de New York!

Evènement exceptionnel

Une fois sur place, la visite peut se faire à différents niveaux/accès: la réserve, le piédestal, ou la couronne de la statue. Il faut prévoire une bonne journée pour effectuer toute la visite et profiter pleinement de ce site unique. Un musée, situé à l’intérieur du piédestal explique en détails la genèse de la Statue. Le site lui même, le projet du sculpteur français Auguste Bartholdi, le contexte du Centenaire de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, tout est couvert! Par ailleurs, il faut en avoir dans les jambes pour monter les 162 marches, sans ascenseur, qui séparent le piédestal de la couronne!

Voici la pierre angulaire du socle de la Statue.
Voici la pierre angulaire du socle de la Statue.
Sous la robe de Lady Liberty!! :-)
Sous la robe de Lady Liberty!! 🙂
Vue de l’intérieur de musée qui se trouve dans la Statue elle-même.

Je partagerai ici une annecdote. Ma première visite à la Statue de la Liberté en 2018 avait été perturbée par un évènement exceptionnel. Un individu avec un drapeau noir avait grimpé sur l’extérieur de la couronne, ce qui est interdit, et ne voulait pas en descendre. Un forcené, une attaque terroriste? Le doute et les hélicoptères de la FDNY planaient.

Cependant, chapeau aux rangers, qui ont fait évacuer l’île en quelques minutes. Ils l’ont fait de manière progressive et systématique, et ce dans un calme et une détermination tout new-yorkais. Alors, qu’il n’y avait presque plus de visiteurs et que les accès à la statue avaient déjà été fermés, je me souviens avoir demandé à un ranger si je pouvais récuppérer mes effets. (Ils étaient dans un casier sécurisé. Les sacs à dos et les aliments sont interdits à l’intérieur de la Statue). Le ranger m’a dit oui. J’ai alors courru les prendre, dans une Liberty Island vide et menacée… j’avais l’impression que je vivais une série !! (clin d’oeil à Pap et Cam, qui ont vécu cette petite aventure avec moi!!).

Liberty Island vidée à l’ordre des Rangers.

Pensée émue

L’aventure dans l’Aventure, la grande. En étant face à la Statue de la Liberté, nous marchons dans les pas de ces milliers d’immigrants qui ont traversé l’Atlantique pour tenter l’aventure du Nouveau Monde. Que ce soit en été ou en hiver, impossible de visiter la Statue de la Liberté sans avoir une pensée émue pour les immigrants européens, les esclaves africains de la traite transatlantique, mais aussi et surtout pour tous les peuples amérindiens dont le destin basculait, lentement, mais irrévocablement. Toutes ces personnes, au fil de leur histoire et de leurs parcours, souvent empreints de douleur et de lutte, ont façonné ce magnifique pays, terre de tous les possibles et de toutes les libertés : les Etats Unis d’Amérique.